Pierrot et ses trois Colombines
J’ai assez célébré, ici et là, mon goût pour les architectures raffinées et ténues de Rohmer pour ne pas dire ma déception renouvelée devant ce Conte des quatre saisons, plus vain encore que Conte de printemps, dont les finesses ne parvenaient pas à estomper le caractère artificiel du récit.
Conte d’été – 1996 – est le troisième des quatre contes après Conte de printemps – 1990 -, Conte d’hiver – 1992 -, et avant Conte d’automne – 1998 – ; peut-être ai-je eu tort de le regarder dans la temporalité saisonnière plutôt que dans la chronologie de tournage, mais ça m’a paru bien affadi, par rapport à toute l’œuvre si brillante et singulière de Rohmer.
Car enfin les atermoiements de Gaspard (Melvil Poupaud), jeune homme doté d’une tête-à-claques particulièrement crispante devant trois péronnelles plus exaspérantes les unes que les autres ne rendent en rien le son vrai que possèdent les merveilles que sont Ma nuit chez Maud ou Le genou de Claire, mais aussi L’amour l’après-midi, Les Nuits de la pleine lune ou Pauline à la plage qui sont un peu en deçà, mais remarquables…
D’ailleurs, c’est dans le rôle-titre de Pauline à la plage qu’apparaît Amanda Langlet qui devait avoir alors 12 ou 13 ans, qui joue Margot, la jeune serveuse-ethnologue de Conte d’été et les deux films commencent un peu de la même façon dans des images de longues grèves atlantiques (la Normandie ou, dans Conte d’été la grise et opulente station de Dinard). Margot cherche une amitié, Léna (Aurélia Nolin) amour de tête de Gaspard ne sait pas trop ce qu’elle veut, Solène (Gwenaëlle Simon), plus sensuelle, attend tout de même d’être respectée, et Gaspard aime davantage encore la musique et sa guitare que ses bruissantes et pépiantes amies.
Le sujet, fort mince, aurait sans doute gagné à être traité en court ou moyen métrage plutôt que d’être dilaté dans les interminables promenades sur les plages inhospitalières et si souvent nuageuses de la côte d’Émeraude ; on a souvent l’impression que l’on se répète et qu’on tourne en rond…
Peut-être Rohmer, qui a su, si miraculeusement ciseler les états d’âme des jeunes gens et des jeunes filles durant vingt-cinq ans (de La carrière de Suzanne à L’ami de mon amie) a-t-il un peu perdu la main dans la description des promenades et des égarements des coeurs juvéniles… Les deux contes à découvrir m’en diront un peu plus…