Cul-de-sac

Bizarre.

J’avais conservé un souvenir assez fort de Cul-de-sac et j’ai espéré vainement, pendant toute la re-vision du film que j’allais vraiment accrocher et me glisser dans la bizarrerie délicieuse de l’histoire ; je dois dire que, sauf, épisodiquement, je n’y suis pas parvenu.

Pourtant, il y a des ingrédients épicés à souhait : photogénie des paysages désolés du Northumberland, au nord-ouest de l’Angleterre, à la limite de l’Écosse, vides, sablonneux, où le vent couche sans cesse les oyats ; Polanski a vraiment une maîtrise admirable de ces contrées désolées, des lacs de Mazurie aux reflets métalliques du Couteau dans l’eau aux plages venteuses de The Ghost writer et talent du réalisateur à filmer et à mettre en valeur les maisons et à mettre en scène la lumière (l’irruption initiale du malfrat Dick (Lionel Stander) dans le poulailler, le soin apporté aux détails, la marche d’échelle qui se brise sous son poids, les rais de jour qui révèlent les lieux)…

Acteurs impeccables, suffisamment décalés pour ne pas détonner dans un film louftingue ; si je trouve que Donald Pleasence en fait tout de même un peu trop dans l’hystérie et la frénésie, Françoise Dorléac est parfaite, folle, exaspérante, impudique, capricieuse, aux rires de gorge crispants et magnifiques ; Lionel Stander, à l’ordinaire bonhomme, donne tout à fait l’apparence d’un gangster minable, décontenancé par sa médiocrité même lorsqu’il prend conscience qu’il attend en vain et que son commanditaire Katelbach ne viendra pas le récupérer. On l’a dit, Dick (Lionel Stander, donc) a attendu Katelbach, comme Vladimir et Estragon attendent Godot dans la pièce de Beckett ; ce qui est drôle, c’est que son partenaire, avec qui il a des rapports singulièrement fraternels, Albie (Jack MacGowran, qui sera le Professeur Abronsius du Bal des vampires) s’est fait la tête de James Joyce, dont Beckett fut le secrétaire : il n’y a pas de hasards.

Excellents comparses : Philip et Marion (Robert Dorning et Marie Kean), couple typiquement britannique affligé d’un marmot particulièrement insupportable, Horace, odieux et ordurier comme on ne l’imagine pas (Cette petite salope m’a complètement arraché l’oreille !, après que Térésa (Françoise Dorléac) l’a rudoyé), et visiteurs décalés (William Franklyn et Jacqueline Bisset) qui font songer aux singuliers pensionnaires de la villa de What?).

Seulement, il me semble que la mixture de grotesque, de cocasse et d’anxieux, d’inquiétant, n’est pas parfaitement dosée et que ce montage subtil, et d’une haute difficulté, ne fonctionne pas toujours. D’où ma réticence. Mais c’est pourtant un film très intéressant.

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