Au milieu du 14ème siècle, la peste noire a tué entre 30 et 50 % des Européens ; le choléra – qui n’a d’ailleurs pas disparu – a sévi aux 18ème et 19ème siècles avec une rare brutalité. La grippe espagnole, au 20ème a, dit-on tué plus de monde que les combattants des tranchées. Et comme notre pauvre monde n’a jamais été exempt de catastrophes, voilà qu’au début des années 80 le Sida est venu, goguenard et fatidique, rappeler aux Humains que l’idée d’une parenthèse enchantée, où tout serait permis n’était qu’une vaste blague. Ben oui, on ne peut pas impunément baiser, s’enculer et se droguer sans qu’il se passe quelque chose d’assez terrifiant.
Voilà ce qui n’est pas mal du début de Dallas buyers club : Ron Woodroof (Matthew McConaughey), un assez pauvre type qui subsiste en écumant les rodéos du Texas et qui se cocaïne à foison en tripotant toutes les filles qu’il peut toucher, est diagnostiqué porteur du fameux VIH. Révolte, indignation, refus d’admettre que le Sida n’est pas seulement le cancer des pédés (comme on l’a alors sympathiquement baptisé) mais une maladie inguérissable qui peut s’attraper de multiples façons.
Il n’y a pas à dire, Hollywood, très sensible au problème, s’est rapidement mobilisé et a fait comprendre au monde entier combien la cause était importante. Dans le monde entier, d’ailleurs, chacun a été invité à se mettre en action. En France, par exemple, le pas mal du tout 120 Battements par minute qui narre la création et le développement de l’association Act up. Il y en a d’autres, évidemment. Pourquoi pas ? Toute cause qui permet de sauver des gens mérite de l’attention.
Cela étant, le contaminé Woodroof, qui perçoit assez vite que le système hospitalier est dans les mains des grandes sociétés pharmaceutiques, n’est pas un type bien intéressant. Il perçoit très vite qu’il y a de l’argent à engranger et de braves gens à détrousser. Puisque la science officielle ne peut proposer qu’un traitement qui n’est pas inutile, mais qui est mal assuré et peut-être tout autant dangereux, il va aller chercher un peu partout des médicaments de substitution qui peuvent être estimés comme plus efficaces. Des médicaments qui ne sont pas acceptés par l’agence officielle. Pourquoi ? La thèse du film est qu’il y a des complicités, des connivences scabreuses entre la Food and Drug administration, l’agence officielle d’admission et d’acceptation des produits et les sociétés capitalistes qui fabriquent les molécules. Le point de vue des pouvoirs publics est que, avant de mettre sur le marché une substance, il faut l’avoir testée dans un long parcours scientifique qui établira véritablement le bilan coûts/avantages de la substance. Les deux options peuvent se défendre.
On se perd rapidement, dans le film de Jean-Marc Vallée dans les ramifications de la réglementation étasunienne et, à dire le vrai, on s’en fiche complétement : on voit un type malin, structurellement homophobe et avant tout intéressé par lui-même se tailler une belle petite entreprise ; on voit un film exclusivement militant, libertarien, qui ne fait que jeter l’opprobre sur les décideurs et à célébrer l’inventivité, l’audace, la clairvoyance de ceux qui se rebellent.
Je n’ai bien sûr aucune compétence pour estimer ce qu’il peut y avoir de sensé, de réaliste, de bien inspiré dans le parcours de Ron Woodroof qui a survécu sept ans au diagnostic qui ne lui donnait que trente jours à vivre. Parce qu’il a refusé le traitement qui lui était imposé ? Parce qu’il avait en lui je ne sais quelle capacité à surmonter les ravages du Sida ? Va savoir ! En tout cas, j’ai vu un film assez ennuyeux et didactique, à peine enluminé par le jeu – un peu hystérique tout de même – de Matthew McConaughey et d’une certaine façon, par celui de Jared Leto qui interprète, sans trop glapir, un transsexuel qui va devenir le copain, le complice de Woodroof. Un film qui n’a pas beaucoup d’importance, d’ailleurs.