De l’amour

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Exercice de littérature appliquée

Drôle de petit film, tourné sans grands moyens mais avec la vive et triple intelligence de Henry Beyle, dit Stendhal, de Jacques Laurent-Cély, dit Jacques Laurent, dit Cécil Saint-Laurent, dit Albéric Varenne et de Jean Aurel, dont j’ignore s’il avait un alias ou un pseudonyme.

Stendhal, donc, d’abord. Les ignares le croient auteur des seuls Le Rouge et le noir et de La chartreuse de Parme ; un grain de culture littéraire en plus, et on le sait auteur de romans inachevés, Lamiel et Lucien Leuwen. On le connaît moins dans l’autobiographe de La vie d’Henry Brûlard, dans le voyageur de France et d’Italie.

Comme le bonheur – donc l’amour – a été la grande affaire de la vie de ce monsieur à la mine grave, il a aussi composé une sorte d’analyse entomologique et de traité stratégique de la conquête et du déclenchement des affaires de cœur (ce qu’il appelle la « cristallisation ») : c’est précisément ce De l’amour dont un de ses grands amateurs, Jacques Laurent tire le film dont je suis en train de vous entretenir.

Jacques Laurent, muni de tous les dons et d’un des plus solides tempéraments de romancier qui se puisse, hédoniste à convictions et de conviction qui pour s’offrir le luxe de vivre comme il l’entend, mais aussi pour financer ses danseuses – en fait des revues insolentes et désengagées – Arts ou, surtout La Parisienne s’invente une nouvelle identité et, s’intitulant Cécil Saint-Laurent recueille un des plus fantastiques succès de librairie des Années Cinquante avec toute la série des Caroline chérie, dont l’adaptation à l’écran fera la gloire de Martine Carol.

Enfin, Jean Aurel, scénariste du Trou, dernier film de Jacques Becker, qui, en complicité avec Jacques Laurent, va réaliser des films de montage, 14-18 ou La bataille de France, puis des adaptations d’œuvres littéraires, Lamiel, Manon 70 et ce De l’amour, élégant exercice de style un peu vain, mais par instants étincelant d’esprit, réalisé dans le goût très français du marivaudage cynique et assez cruel.

C’est un film qui ne se conte pas, puisqu’il est tout dans les dialogues et les stratégies de conquêtes amoureuses. Dans cela, et dans la beauté des femmes : que les amateurs s’émerveillent : Anna Karina, la trop rare Joanna Shimkus et ma préférée, l’acide et divine Elsa Martinelli, ici nettement plus déshabillée qu’elle n’est dans Hatari, où je me désespère toujours que son bain avec les éléphanteaux ne soit pas plus…indiscret.

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