L’Allemagne enragée.
Ce remarquable montage de séquences d’actualité, que sa longueur autorise, précisément, à s’étendre, aborde de façon détaillée l’étrange et infernale aventure qui gangréna l’Allemagne au milieu du siècle passé. Il serait parfait, à mon avis, et mériterait le qualificatif de chef-d’œuvre s’il s’étendait un peu moins sur le Procès final, épisode nettement moins fascinant que les précédents : la Guerre, bien sûr, mais aussi, et surtout, peut-être, la prise du pouvoir et l’installation dans ce pouvoir, les sataniques dramaturgies des Cathédrales de lumière, l’enrégimentent, et la fascination exercée sur des masses séduites et exaltées qui demeureront fidèles jusqu’au bout à la personnalité d’Adolf Hitler.
S’il a été écrit et commenté par Philippe Meyer, dont la voix si spirituelle peut être, à la radio, si drôle et narquoise, et devient là grave et retenue, le montage a été réalisé par Frédéric Rossif, formidable documentariste des temps bénis de l’O.R.T.F., auteur de l’admirable Mourir à Madrid (sur la Guerre d’Espagne, évidemment), et ce fut sa dernière œuvre.
Il y a eu – comme ça paraît loin ! – une époque où la télévision, voix de la France, instruisait les Français : cela s’appelait, notamment, Cinq colonnes à la une, émission dont on a soigneusement perdu la recette, mais qui donnait l’occasion à de grands documentaristes comme Rossif d’aller longuement fouiller la réalité, fût-elle aussi insupportable que celle présentée dans ce De Nuremberg à Nuremberg : exposer longuement les causes, multiples, diverses, foisonnantes, quelquefois ambiguës, ne rien cacher de la complexité de l’enchaînement des événements, ne pas tomber dans les pleurnicheries et la compassion : s’il y a procès du nazisme, plus encore que dans le Tribunal final (nécessaire, évidemment, mais scénographié), c’est dans ce genre de témoignage, ample, rigoureux, glaçant…