Polar international pour samedi soir paresseux.
Voilà quelque chose qui se laisse voir, sans excès ni enthousiasme et qui ne décevra pas trop ceux qui aiment voir Gabin gabinant, entouré de quelques vieux routiers expérimentés de la bonne époque (Marcel Bozzuffi, Daniel Ceccaldi, Claude Brasseur, Gert Froebe) et de frais minois jamais désagréables à regarder (Nadja Tiller, Mireille Darc, Dany Dauberson). L’histoire est raisonnablement compliquée, suffisamment pour qu’on n’en décroche pas, les morts pimpantes et bienvenues, la morale sauve. On en a pour ses euros (ses kopecks, ses picaillons, ses maravédis, si l’on préfère) comme pour tout bon film de samedi soir.
Qu’en dire d’un peu original ? Bien peu de choses… on voit pendant quelques séquences un Tokyo qui, en 1966, était aussi pouilleux et mesquin qu’il l’était en 1963 pour Rififi à Tokyo (ce dont j’avais fait mes choux gras et sarcastiques). Et puis ? Orly-Sud filmé comme une sorte de palais fantastique ; il est vrai qu’à l’époque étaient bien rares ceux qui prenaient l’avion, que ces grands halls pleins de lumière paraissaient plus exotiques que ne l’était la Papouasie et que les hardis et fortunés voyageurs qui fréquentaient ces contrées paraissaient aussi étranges que des Jivaros.
Quoi d’autre ? L’évidence que Jean Gabin sait donner des claques comme personne (sauf, peut-être, Lino Ventura : allez savoir si ce n’est pas ce délicieux talent qui a fondé leur estime mutuelle et leur amitié ?). Aussi le talent de dialoguiste d’Alphonse Boudard (dans un bar à hôtesses, l’horizontale avec qui un client éméché veut prendre des privautés : La main au panier pour un Cinzano ! Où tu te crois ?). Et encore une certaine franchouillardise parfaitement assumée, l’artisanat d’art à la française s’opposant à la grosse cavalerie étasunienne.
Et la curieuse personnalité de Walter (Gert Froebe), lié par une amitié vigilante avec Paulo les diams (Gabin), éperdument amoureux de sa femme (Nadja Tiller) qu’il a, si l’on peut dire, récupérée, après que Paulo l’a laissée tomber, et nostalgique d’on ne sait quel passé révolutionnaire puisqu’il aide, dans la mesure de ses moyens et avec un goût du risque qui ne lui vaudra rien de bon, le Cuba de Fidel Castro, à une époque où ce petit État là était un ardillon coincé dans le talon de l’Amérique…
Rien de mémorable, mais rien de déshonorant…