L’effort d’originalité est tout à fait méritoire. Le scénario de Ego est dû à Ilja Rautsi, dont j’ignore tout, mais dont je découvre qu’il est spécialiste du genre. La réalisatrice s’appelle Hanna Bergholm est n’est pas plus notoire. Il est vrai qu’il s’agit là de cinéastes finlandais qui n’ont sûrement pas coutume d’envahir les écrans du monde entier. Helsinki n’est pas Hollywood et, à part Aki Kaurismäki qui en a jamais entendu parler ?
Sans doute est-ce dommage car étrange et Finlande paraissent tout à fait aller de pair. Le pays dit des mille lacs, d’une superficie d’à peu près la moitié de la France, ne compte que 5,5 millions d’habitants. En d’autres termes, il est pratiquement vide, ce qui entraîne une certaine pureté de la nature et un habitat très dispersé environné d’impressionnantes densités de hauts sapins. Rien de mieux pour faire intervenir une histoire trouble.
Voilà une famille comme tous les soap operas du monde la présentent : unie, chaleureuse, affectueuse, vivant dans une maison confortable à la décoration largement kitsch comme les journaux de décoration montrent. On voit que l’on a fait beaucoup d’efforts pour que tout soit harmonieux et souriant. D’ailleurs la mère (Sophia Heikkilä), jolie blonde (qui commence à se faner un tout petit peu) possède un blog où elle présente quotidiennement sa maisonnée sous le titre Notre super vie. C’est naturellement elle qui est le phare de la maison, lisse, souriante, toujours déterminée. Le père (Jani Volanen) est absolument insignifiant, apparemment très heureux de vivre avec sa jolie blonde de femme et d’en avoir deux enfants charmants, le petit garçon Mattias (Oiva Ollila) et la jeune adolescente Tinja (Siiri Solalinna) qui s’entraîne dur pour être championne de gymnastique, mais n’est pas extrêmement douée.
Ce qui agace énormément sa mère qui ne conçoit pas l’imperfection et la lassitude et qui impose à sa fille – et à sa famille – une sorte de tyrannie douce, mielleuse, insistante, mais qui peut devenir rude. J’ai songé un instant à Serial mother de John Waters, mais ce n’est pas tout à fait ça. Toujours est-il que la gracieuse Tinja, en qui l’adolescence monte, n’est pas vraiment à l’aise dans sa bonbonnière confortable. Est-ce pour cela qu’elle recueille l’œuf d’un corbeau qui a ravagé par son vol l’ordonnancement précieux de la maison, brisant cristaux et lustres, et qu’elle entoure cet œuf de toutes les précautions possibles, le faisant couver par son nounours ?
Dès lors va s’introduire une curieuse osmose entre Tinja et la créature qui peu à peu va prendre une apparence humaine et même devenir le double de la jeune fille… tout en conservant ses instincts carnassiers. On devine la suite d’horreurs qui va survenir.
Malgré les dernières séquences inutilement gore et mélodramatiques, Ego est un film très étrange et assez séduisant. Ça ne donne évidemment pas envie de vivre dans l’atmosphère ripolinée et bien-pensante de la Finlande (filmée lors d’un été lumineux, ce qui ne doit pas être si fréquent), ça porte même toute la pesanteur scandinave sur les épaules, le luthéranisme qui a imbibé cette société paisible et ennuyeuse. Mais c’est agréable à voir.