Elle cause plus… elle flingue !

2a4e2692a40cb2571d7f262f0b979bc2L’abomination de la désolation.

Sur Michel Audiard réalisateur, que dire ? comme tous les amateurs de ses dialogues étincelants, je me suis précipité sur Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages, sorti en 1968, c’est-à-dire à une époque où les remugles de la Nouvelle vague empuantissaient encore le cinéma français et où un titre aussi cruellement franchouillard nous laissait espérer des merveilles de goguenardise.

C’est peu dire qu’à la sortie perçait un certain malaise et que nous étions tous cruellement gênés.

Nous avons repiqué au truc avec Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause! (peut-être le pire de tous), avec Le Cri du cormoran, le soir au-dessus des jonques, avec Le Drapeau noir flotte sur la marmite, avec Elle cause plus… elle flingue ; de l’Audiard cinéaste à haute dose : un film tous les ans ! Sans jamais accrocher et en espérant toujours que, le métier entrant, ça irait mieux. Et c’était pareil. Et nous qui défendions Grangier, Verneuil et La Patellière, nous n’osions plus trop élever la voix devant les sarcasmes que nous lançaient les thuriféraires de Bergman, Antonioni et Godard.

elle-cause-plus-2-gCela étant, le premier film de Michel Audiard (Faut pas prendre donc) n’est pas le pire, à peine inférieur au moins mauvais (Comment réussir quand on est con et pleurnichard), grâce, notamment, au radieux popotin de Mlle Marlène Jobert, qui avait le bon esprit de l’exhiber souvent.

Rien à sauver, en revanche, dans Elle cause plus… elle flingue ; un film de petite durée (1h23), mais terriblement languissant et sans une image qui retienne… Ah tiens si ! Une seule – et elle est tardive – a failli m’arracher un sourire : Bernard Blier, en habit, coiffé d’un huit-reflets et chaussé de guêtres se précipitant pour demander la main d’Annie Girardot. Peut-être aussi vaguement, la silhouette d’André Pousse portant chapeau melon et corseté d’un gilet rayé marchant dans un affreux bidonville.

On sent qu’Audiard, sûrement assez rapidement conscient que ses films étaient insignifiants et voulant profiter de la confiance que lui faisaient miraculeusement encore les producteurs, se contentait de réunir autour de lui d’habituels complices et figures sympathiques (Blier, Pousse, mais aussi Jean Carmet, Maurice Biraud, Dominique Zardi et quelques autres) pour passer quelques congés payés sans se casser la nénette.

Oelle-cause-plusn séduit les banquiers grâce à un pitch minimal : une sorte d’Auberge rouge transposée en banlieue dont la patronne (Annie Girardot) vend des reliques à un douteux cardinal (Michel Galabru). Et on s’arrête là : passé les vingt premières minutes, déjà poussives, il n’y a plus rien, pas l’ombre d’une idée, pas la bribe d’un scénario. Il y a un motard hippie christique (Charles Southwood) qui fait songer que deux ans auparavant, Philippe Labro, qu’on a connu mieux inspiré, avait écrit pour Johnny Hallyday une chanson à hurler de rire :

S’il existe encore aujourd’hui
Il doit vivre aux États-Unis
Il doit jouer de la guitare
Et coucher sur les bancs des gares
Il doit fumer de la marie-jane
Avec un regard bleu qui plane

Jésus, Jésus-Christ
Jésus-Christ est un hippie

Est-ce que ça ne vous fait pas frémir ? Voilà bien le film d’Audiard

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