Les rois du gnan-gnan
Ça commence très bien, de façon gaie, spirituelle, virevoltante, de l’esprit et du type des meilleures comédies américaines, avec plein de dialogues ambigus, de scènes de séduction fines et bien composées. Ça s’englue sensiblement dès le milieu, dans une trop longue séquence nunuche où les deux protagonistes vont rendre visite à une vieille dame, grand-mère du héros, dans sa belle demeure de Madère. Et ça se termine lamentablement, de façon ridicule, à la fois larmoyante et nimbée d’espérances inutiles après que l’héroïne, renversée par une voiture alors qu’elle se rendait au rendez-vous décisif, relève la tête et compte bien qu’un miracle interviendra.
Ah oui, quel film décevant, qui a dû bien faire pleurnicher les cœurs sentimentaux de ces deux beaux amants qui, dès leur rencontre, sur un paquebot magnifique, ressentent l’un pour l’autre une attirance immédiate et irrépressible ! Michel Marnay (
Charles Boyer), sorte de play-boy internationalement connu et reconnu, s’est embarqué pour aller épouser à New-York une riche héritière : histoire de
faire une fin. Elle, Terry Mc Kay (
Irène Dunne), modeste chanteuse de variété, doit se
vendre bientôt à un soupirant bien doté. Coup de foudre, donc ; coup de foudre charmant, comme on pouvait les dépeindre avant la guerre : réserve, minaudage, escarmouches amusantes, évidences d’une attirance qui, pendant les neuf jours de la traversée, ne pourra évidemment que se développer.
Tout cela est très bien, malgré la niaise étape où les deux voyageurs rendent visite à Janou (Maria Ouspenskaya) la grand-mère rayonnante et fatiguée de Michel, dans sa belle maison toute dédiée au souvenir de son mari défunt et où les deux amoureux imaginent le bonheur qu’ils pourraient obtenir s’ils vivaient dans cette thébaïde, dans cette résidence idéale. Y croient-ils eux-mêmes ? Mais non ! Ils rêvent…
Ils rêvent moins quand ils arrivent à New-York : leurs fiancés les attendent, mais surtout ils s’avouent, en en prenant conscience, qu’ils sont eux-mêmes des sortes de parasites, entretenus par de riches mécènes, ce qui n’est pas concevable avec le beau couple franc et honnête qu’ils veulent établir : dès lors – mais c’est tout à fait invraisemblable – ils se promettent, sous les six mois, d’acquérir une indépendance financière afin de subsister désormais avec leurs propres ressources et de vivre alors une vie normale.
Lui redevient peintre de qualité ; elle acquiert une renommée notoire de chanteuse de blues. Tout pourrait aller bien et, au terme des six mois qu’ils ont déterminé, ils sont proches de se retrouver et d’engager un grand amour conjugal après le rendez-vous merveilleux fixé au 102ème étage de l
‘Empire State building, alors le plus haut gratte-ciel du monde.Et plouf ! Toute bruissante d’émotion et d’impatience, Terry, voulant au plus vite rejoindre son amoureux est fauchée par une voiture, cassée, brisée, paralysée, sans doute pour toujours.
Le reste du film est d’une bêtise niaise insupportable. Michel a attendu en vain l’arrivée de son amoureuse ; Terry ne veut pour rien au monde que son amoureux soit mis au courant de son infirmité.
Et donc le dernier tiers du film est construit par les évitements puérils où Elle, désormais bienveillante et délicieuse mécène (ou quelque chose comme ça) d’un orphelinat touchant, Lui devenu peintre de grande renommée font mine de ne plus se connaître. Jusqu’à ce que, évidemment, cédant l’un et l’autre à leur attirance admettent qu’ils sont vraiment faits l’un pour l’autre. Clap de fin : Si tu peux peindre, je peux marcher ! lui dit-elle. On n’a jamais trouvé plus niaisement émouvant. Le remake réalisé par le même Leo McCareyen 1957, avec Cary Grant et Deborah Kerr est, selon certains, plus lumineux, pour d’autres moins poétique. Je ne suis pas certain d’avoir vraiment envie de le découvrir.
This entry was posted on mardi, mai 21st, 2024 at 13:42 and is filed under Chroniques de films. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.
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