Et elle tient la route…
Voilà un petit film intéressant, qui ne restera sûrement pas dans l’histoire du cinéma, mais se laisse regarder avec beaucoup de plaisir et entraîne assez souvent des petits agréables frémissements jubilatoires devant l’intelligence des situations, la qualité des dialogues, le jeu des acteurs, principaux et secondaires…
Bettie (curieuse orthographe, soit dit en passant – Catherine Deneuve), sexagénaire écervelée, dirige un petit restaurant breton qui connaît les pires difficultés de survie. Ex-Miss Bretagne 69, veuve de longue date, elle vit avec son exigeante, insupportable et délicieuse mère (Claude Gensac), n’a plus guère de rapports avec sa grande fille (Camille) et connaît à peine son petit-fils, Charlie (Nemo Schiffman), qui a une douzaine d’années.
Elle apprend, au moment où le film commence, que son amant vient de l’abandonner ce qui la perturbe au point de la faire recommencer à fumer. Mais elle n’a plus de cigarettes et elle part à la recherche d’un tabac, dans l’après-midi endormie d’un dimanche breton automnal. On se doute bien que c’est là une gageure qui l’a fait s’éloigner graduellement de son restaurant.
Et puis les péripéties, les ennuis, les rencontres s’enchaînent jusqu’à la transporter très loin de l’Ouest, vers Blagnac, près de Toulouse, où elle récupère son petit-fils, vers Annecy, où elle retrouve ses anciennes concurrentes de l’élection de Miss France, vers la Bresse enfin, où vit le grand-père paternel du gamin, qu’elle ne connaît pas, compte tenu de l’état catastrophique – inexistant, en fait – des relations familiales.
Road movie à la recette éprouvée ? Pas simplement. Bien sûr les hasards heureux et malheureux ont la vie belle, les personnages pittoresques arrivent à point donné, les coïncidences fastes se font la courte échelle et le happy end est trop convenu pour être honnête : c’est un peu la loi du genre.
Mais il y a de la fraîcheur, de l’inventivité, une façon de filmer souple, fluide, intelligente, accueillante, une façon de regarder les protagonistes avec tendresse, gentillesse et le moins possible de mièvrerie, une façon sympathique de mettre le spectateur dans la poche au point que, même si on n’est pas dupe, on marche avec plaisir.
Ne tournons pas autour de l’évidence : le film repose entièrement sur les épaules de Catherine Deneuve qui, depuis quinze ans, ne tournait plus guère que des bêtises. Elle y est excellente, tour à tour ahurie, paumée, exaspérée, délicieuse, triste, perdue, charmante, séduisante, crispante : à près de 40 ans d’écart, on retrouve, amortie, la péronnelle agaçante du Sauvage de Jean-Paul Rappeneau, qui est sans doute un de ses meilleurs rôles. Elle est royale et rieuse. Mais le film est bien distribué, aussi : on s’amusera à revoir, dans le ballet des Miss décaties, Évelyne Leclercq, Valérie Lagrange et surtout Mylène Demongeot, qui prouve définitivement qu’elle valait mieux que les personnages de ravissante idiote dans quoi on l’a d’emblée enfermée. Claude Gensac ne ressemble plus du tout à Mme Cruchot du Gendarme se marie. Le jeune Nemo Schiffman a du caractère et peut-être de l’avenir. Et le reste à l’avenant.
J’ai vu Elle s’en va il y a trois jours et déjà le souvenir s’en envole un peu ; mais ce n’est pas grave : un bon moment facile et tendre, c’est toujours ça de pris !