1 ? Pourquoi pas 0, plutôt et, si on le pouvait une note bien en dessous de 0… Le titre m’intriguait, le film était disponible sur la plate-forme de France Télévisions et les énigmatiques propos de Jipi me décontenançaient. Et puis 1 parce qu’il y a le charme évident (et la grande beauté plastique) de Virginie Efira et le talent réel de Romain Duris. Mais sinon ! Qu’est-ce que c’est que cet épouvantable caramel mou, dégueulis de chantilly, pleurnichard et imbécile ? Un film qui fait mine de commencer comme le nullissime Fanfan d’Alexandre Jardinqui, nous rappelle notre amie Wiki raconte l’histoire d’un type qui veut perpétuer avec elle (Fanfan – Sophie Marceau) – les griseries des préludes, le bonheur de ces instants où l’amour n’est encore qu’une promesse.
Mais En attendant Bojangles est un film qui se termine dans un gloubi-glouba pâteux où on peut retrouver les ondoyantes bêtises finales de films aussi différents que Love story ou 37°2 le matin (avec un petit passage minimal proche de l’hystérie comme dans L’exorciste). Doux jésus ! Songer que les midinettes sont sorties des salles de cinéma avec la larme à l’œil après le déluge des violons, les lamentations des cordes qui soulignent les malheureuses destinées d’amoureux magnifiques ! Ce machin n’est pas un mélodrame, ce genre littéraire où de pauvres gens – surtout de pauvres jeunes filles – subissent ad libitum les vicissitudes de la pauvre vie mais finissent par triompher du mauvais sort. Le film est l’adaptation d’un roman écrit, paraît-il, à la va-vite par un certain Olivier Bourdeaut et qui a remporté d’emblée un très grand succès, sans doute parmi les clientes des bibliothèques de gare.
Passer deux heures à raconter une histoire farfelue mais qui n’est que niaise (mais surtout à me faire perdre deux heures de ma propre vie, ce qui est bien plus grave, puisque je n’ai plus devant moi beaucoup de réserve), passer deux heures à relater l’histoire de deux crétins qui s’affabulent et qui ont pris la responsabilité de mettre au monde un enfant est déjà, en soi, ridicule. Cela émoustille des tas de gens qui imaginent que leur vie aurait pu être beaucoup plus belle, excitante, grisante s’ils avaient rencontré l’âme-sœur qui les conduirait vers des walhallas d’émerveillement. On en est à du Marc Lévy ou à du Guillaume Musso, des trucs qui se vendent et n’ont aucune espèce d’importance littéraire. Je ne lis naturellement pas ce genre de trucs infimes, mais, comme disait le regretté François Cavanna, j’en ai entendu causer (et jamais en bien).
Donc voilà que dans le joli cocktail d’un beau palace azuréen, à la fin des années 60, se rencontrent Georges (Romain Duris) et Camille (Virginie Efira), celle-ci chaperonnée par un grassouillet sénateur amoureux transi, Charles, plaisamment surnommé L’ordure (Grégory Gadebois). Cette première séquence est, de toute évidence, la meilleure du film : elle a de la fantaisie, de la légèreté, de l’inventivité ; il y a des jeux verbaux qui ne sont pas mal du tout ; en d’autres termes, ça décrit assez gentiment ce qu’on appelle le coup de foudre primesautier et mutin.
Mais il faut tenir la distance : d’abord dans la vie de couple, mais aussi dans la marche du film. Je n’ai pas beaucoup apprécié que le premier rapport physique des deux amoureux ait lieu sur l’autel d’une chapelle isolée, mais ça doit être mon côté vieux con. Puis sont posées les bases : Camille, selon L’ordure est toujours en fuite parce qu’elle a peur d’aimer ; elle se dit capricieuse et jalouse. Cela étant, neuf mois plus tard, elle met au monde en criant bien fort (quelle est inutile et longue, cette séquence !!) un petit Gary (ainsi nommé en hommage à Gary Cooper, mais on ne verra jamais le moindre lien, ou rapport). Huit ou neuf ans plus tard on trouve le trio installé dans un grand bel appartement parisien en compagnie d’une grue cendrée de Numidie baptisée Mademoiselle Superfétatoire et avec les fréquentes visite de L’ordure. C’est farfelu, assez sympathique, mais beaucoup trop délayé.
Et ça se dégrade assez vite parce que la fantaisie riante de Camille est en fait la manifestation d’une maladie mentale grave. Par peur de perdre la fantaisie de la vie et l’amour de sa compagne, Georges ne réagit pas, suit même Camille dans sa folie : ainsi cette scène où la jeune femme sort nue de l’appartement pour faire les courses et où, sous le regard surpris des passants, il la rejoint dans le même appareil.
Bon ; ça ne va plus du tout : après qu’elle a mis le feu à l’appartement, internement psychiatrique. Là aussi, un moment interminable. Le père et le fils font évader la folle et tout le monde se retrouve dans un superbe château en Espagne… Et puis voilà : suicide d’elle, puis suicide de lui pour la rejoindre. Ça se termine sur des lamentations d’orchestres à cordes et la sage résignation de Gary et de L’Ordure. Au fait, Mademoiselle Superfétatoireque Camille avait chassée en lui tirant dessus, dans sa folie, revient se poser dans la maison.
Ouh là là, que c’est émouvant !