Mauvais juge, mais juge sévère
Certes, certes, Escape 2 – Le monde est un piège peut être regardé tel quel, même s’il est la suite directe d’un premier épisode, Escape game, du même réalisateur Adam Robitel sorti en 2019, qui a connu un grand succès public, surfant, je suppose, sur la vogue de ce jeu d’évasion qui fait florès dans nos villes. Il s’agit – je dis cela pour les vieux schnockes dont je suis – de sortir d’une pièce ou d’un ensemble de pièces où l’on s’est fait volontairement enfermer en résolvant toute une suite d’énigmes ; chaque progression entraîne naturellement la butée contre un nouveau problème dont il est encore plus compliqué de triompher. Le jeu se pratique généralement en groupe et l’on peut s’affronter à différents niveaux de difficulté. Les jeunes gens bien nourris de nos civilisations débonnaires trouvent donc là un substitut sans vrai risque au besoin de danger et de risque que chacun ressent sans toujours se l’avouer.
Certes, certes, lorsque l’on rejoue à n’importe quel jeu, que ce soit le tennis ou le bridge, la pétanque ou les échecs, on retrouve, à partir d’une base commune, des situations qui deviennent rapidement très différentes et on ne se lasse pas, lorsqu’on aime le jeu, de retrouver continuellement les mêmes règles qui conduisent pourtant à des résultats fort variés.
Certes, certes, au cinéma et particulièrement dans la veine des films d’action, d’horreur, de violence, il est fréquent qu’on exploite jusqu’au bout – et même jusqu’à l’os – une donnée dont le premier volet a séduit et qu’on dévide une longue kyrielle de suites. Freddy ou Hellraiser ou Halloween ou Scream ou une dizaine d’autres exemples viennent en tête. N’empêche qu’il est tout de même plus satisfaisant pour le spectateur de ne pas prendre le train en marche (fût-il celui de l’épouvante) et de ne pas débarquer au milieu des noirs banquets de sorcières (fussent-ils ceux de Walpurgis).
En d’autres termes, je n’ai pas trop apprécié que Adam Robitel me projette dans le second volume de ses Escape, qui est la suite immédiate et directe du premier sans donner un minimum de références et d’indications. J’ai souvenir que dans les Dracula de la Hammer, il y avait, parsemés au début, des images et des résumés du film précédent, propres à combler l’éventuelle ignorance du néophyte.
Bien sûr, comme je en suis pas complétement idiot, j’ai rapidement saisi que les principaux protagonistes de Escape game 2 sortaient tout juste d’une épouvantable aventure où une sorte de puissance maléfique, une entreprise démoniaque nommée Minos a appâté un groupe de gens divers en faisant miroiter une grosse somme d’argent en récompense. De la lecture du résumé du premier film sur Wikipédia, j’ai appris qu’il s’agissait ainsi d’une société proposant à des parieurs richissimes de jouer sur la vie des malheureux enfermés qu’ils scrutent grâce à une multitude de caméras.
À dire vrai, le résumé du premier film m’a paru intéressant et original, à la fois grâce à la personnalité des victimes et à la variété des énigmes et tortures accumulées. Mais Le monde est un piège ne me semble pas de la même eau. On découvre que deux rescapés du jeu initial, Zoey (Taylor Russell) et Ben (Logan Miller) ont décidé de se lancer à l’assaut du tentaculaire Minos. Mais malgré toute leur détermination, ils ne font guère le poids et se trouvent lancés dans un nouveau game en compagnie de survivants d’autres parties, trop sommairement présentés pour qu’on s’y attache.
Dès lors le film n’est qu’une suite d’images très spectaculaires mais trop attendues. Ça va vite, évidemment, mais beaucoup trop vite pour qu’on prenne son plaisir dans les courses brutales, les violences des lasers, l’horreur des pluies acides et je ne sais plus quoi d’autre. Car c’est bien le paradoxe de ce genre de films : on vous en donne tant et tant à voir qu’on ne se souvient plus du tout de ce qu’on a vu, une fois la dernière image intervenue et l’héroïne sauvée.
Pour combien de temps, au juste ?