Cette superbe exposition, depuis 2004, tourne dans le monde entier (Francfort, Melbourne, Munich, Gand, Rome) . Tous ceux qui aiment le cinéma se doivent d’aller la voir !
Stanley Kubrick: A Life in Pictures, ce film-document réalisé par Jan Harlan, beau-frère de Kubrick porte le titre le plus approprié pour qualifier une vie entièrement vouée à la représentation fantasmée du Réel.
Exceptionnelle exposition, qui va demeurer à la Cinémathèque jusqu’au 31 juillet 2011 avant de partir émerveiller ailleurs (Los Angeles, je crois), exposition qu’on peut aller voir quel que soit le degré de connaissance qu’on a de cet immense cinéaste : composition simple d’abord, chronologique, puisqu’on entame la visite par Fear and Desire, le film initial, mais rejeté, qu’on ne verra hélas jamais et qu’on l’achève par Eyes wide shut. Ce que je dis, en fait, n’est pas tout à fait vrai, puisqu’intelligemment une partie un peu annexe des lieux est consacrée à Kubrick photographe (où l’on voit combien le travail sur des images statiques a pu influer, ultérieurement sur des plans marquants) et aux projets avortés, Napoléon, Aryan papers ou à A.I. Intelligence artificielle tourné par Spielberg.
Claire pédagogie dans la brève présentation de chacun des films, resitués dans le contexte de l’époque de leur tournage ; nombreux objets emblématiques, maquette de la salle stratégique de Dr. Folamour, combinaison spatiale et oripeaux d’hominiens de 2001, robes des jumelles assassinées et hache de Shining, habit de cour de Barry Lyndon, casque de Full metal jacket, masques de l’orgie de Eyes wide shut… des explications techniques claires, pour le néophyte sur les objectifs, les caméras, les procédés de tournage. La rigueur, la méticulosité, la précision, la capacité de travail du réalisateur sont également exposés de façon très intelligente (plan de travail des Sentiers de la gloire, par exemple…).
Si j’ai trouvé que les deux derniers opus, Full metal jacket et Eyes wide shut, logés à un autre étage que le plus gros de l’exposition, étaient un peu sommairement traités, je me suis beaucoup amusé de lire, ici et là, les extraits de critiques distingués qui, sur les premiers films, n’ont évidemment pas compris qu’ils se trouvaient en face d’un créateur génial ! Ainsi l’article de la réputée Yvonne Baby dans Le Monde assassine Les Sentiers de la gloire sur des détails formels, recensant avec une certaine pertinence, des anomalies ou des invraisemblances (l’Armée française vue par un Étasunien), sans s’apercevoir de la force et de l’originalité du film. Ainsi le mirobolant Henri Chapier mitraille Lolita sous prétexte que l’adaptation n’est pas fidèle au roman de Nabokov, alors que celui-ci avait travaillé avec Kubrick et s’était dit fort satisfait ! Il est vrai que Chapier mangera ensuite son chapeau et s’émerveillera d’Orange mécanique.
Toujours est-il que la critique est globalement, hors exception, passée à côté de Kubrick ; mais il est vrai – je ne sais plus où j’ai lu ça, peut-être dans l’indispensable bouquin de Michel Ciment – que tout le monde, lors d’un nouveau film, à partir du moment où le cinéaste est devenu mondialement célèbre (2001) a toujours été décontenancé lors de sa première vision d’une nouvelle œuvre, avant d’y revenir avec passion…