Il faut bien que jeunesse se passe et que les expériences se fassent ! Dieu sait si j’apprécie le courage, la détermination de Cheyenne Carron qui, depuis près de vingt ans tourne, sans aucune aide publique, à peu près un film par an. Et le plus souvent des films construits, élaborés, tournés sans moyens, sans publicité mais qui parvient peu à peu à trouver des publics et même (pour les derniers venus) des soutiens financiers. On voit, dans cette petite niche cinématographique combien le système de production et de distribution français est biaisé, est anormal, est injuste.
Le cinéma est un métier dont il faut faire l’apprentissage ; il n’y a rien dans ce que je viens d’écrire qui soit déplaisant ou prétentieux : on apprend et on s’améliore au fur et à mesure que l’on remet l’ouvrage sur le métier. Tous les sportifs, tous les mélomanes, tous les écrivaillons vous le diront, l’exercice et la répétition créent la souplesse et la qualité, quels que soient les dons qu’on a pu recevoir à la base.
Tout cela, précautionneusement écrit, pour dire qu’Extase est un bien mauvais film, insupportable d’ennui malgré sa brève durée (1h7) et la beauté du corps de son interprète principale Jeanne (Àstrid Bergès-Frisbey). Aussi de la qualité de la composition des images, souvent très belles dans la captation des ambiances et la composition des tableaux.
Mais cela dit, comme c’est verbeux, ennuyeux, répétitif, systématique ! Un jeune couple, Jeanne, donc et Hugo (Swann Arlaud) passe le plus clair de son temps à faire l’amour, ce qui n’est pas une distraction, une activité désagréable. Mais Jeanne, issue d’une famille un peu bizarre (son père a assassiné sa mère, parce qu’il pensait que la mort n’est rien) et que, morte, elle ne pourrait pas tuer leur amour, Jeanne, donc, cherche la Foi religieuse et regimbe parce qu’elle ne parvient pas à la recevoir.
Pourquoi pas ? Pourquoi pas si le film était autre chose que verbeux, ratiocineur, souvent abscons. Les deux amants bavardent, enfilent des perles, amoncellent des phrases. Car, c’est un des défauts majeurs du film, Extase est très écrit. Alors que, plus tard, Cheyenne Carron laissera souvent la bride sur le cou à ses interprètes, les poussant à improviser leurs dialogues, il y a là – travers de débutante – une volonté de rédiger. Et cela donne des propos un peu ridicules, notamment composés de passés simples et d’imparfaits du subjonctif et des formules qui se veulent profondes et ne sont que niaises, du type Ce qui définit le désir est le manque ; et le manque est aussi un désir ou encore ce carton présenté plusieurs fois Je voudrais vivre peu pour ne pas mourir beaucoup.
Tout cela ne se manipule pas sans précaution ; mais il n’est pas impossible que ce soit là une constante des premiers films où l’on veut en dire tant que l’on ne dit pas grand-chose. Et puis n’oublions jamais que le grand Claude Sautet a commencé sa carrière de réalisateur avec l’abominable Bonjour sourire.
Depuis lors, Cheyenne Carron a fait de sacrés progrès. Voyez ses films !