Fargo

14928-b-fargoQuel pays !

Ignorant presque tout des frères Coen, bien que j’aie beaucoup apprécié O’ Brother (mais me sois passablement ennuyé avec No Country for Old Men), tombant par hasard sur les propos alléchants de certains amateurs, je me suis passé Fargo hier et je me suis régalé. En tout cas, je n’ai rien à redire sur des pertinentes analyses (le questionnement sur la moralité – comme il y en a dans les fables)

Est-ce qu’il faut savoir rester à sa place, ne faire que ce pour quoi on est fait et accepter sa condition, alors que l’illégalité semble réservée aux plus malins (le beau-père et son associé) ? Les destins contraires entre les personnages qui ont réussi leur vie (Marge et son mari) et ceux qui ont échoué (Jerry) – alors qu’ils sont issus du même milieu – sembleraient le prouver) et de subtils éclairages (on peut mettre le doigt sur les digressions  :  la longue scène entre Marge et son ancien copain asiatique, qui s’éternise et… ne mène à rien. L’interrogatoire minable des deux filles qui ont couché avec les tueurs, l’échange entre Buscemi et le gardien de parking…).

J’ai beaucoup aimé le contraste entre l’extrême violence, le côté presque Grand Guignol des meurtres et autres sauvageries, par exemple la vision cocasse de la jambe de Showalter (Steve Buscemi) que son complice Grimsrud (Peter Stormare) se prépare à passer au broyeur à bois lorsqu’il est surpris par Marge (Frances McDormand), contraste, donc entre l’outrance cruelle de tueries, et la platitude mortelle de la vie des personnages, qui va de pair avec la mortelle platitude du décor.

Doux Jésus, est-il vrai que des hommes peuvent habiter dans ces solitudes glacées du Dakota du Nord, brouillardeuses et surtout sans relief, où l’on imagine que des kilomètres et des kilomètres de plaines battues par des blizzards coupants se succèdent à l’infini ? Rien d’étonnant que cet État soit 48ème sur 50 dans l’ordre des populations (alors qu’il est brillamment 19ème dans l’ordre des superficies !) ; rien d’étonnant non plus à ce que les protagonistes du film soient nombreux à porter des patronymes scandinaves (Lundegaard, Grimsrud, Gustafson, Gunderson, Olson), ça doit vraiment correspondre à une réalité de terrain ! Rien d’étonnant non plus à ce que ces malheureux puissent ingérer des nourritures aussi manifestement dégoutantes que celles, à base de poulet frit, de brocolis et de mixtures diverses, dont s’empiffrent Marge et son taciturne mari (John Carroll Lynch) lors d’une étonnante scène dans un self-service où la piste qui mène à Jerry Lundegaard est ouverte pour la première fois…

Cela dit, nous pourrions collectivement nous préoccuper de savoir si nous ne pourrions pas aller quelque jour aller chercher le presque million de dollars qui, me semble-t-il, dort toujours auprès d’une longue clôture barbelée, simplement signalé par une pelle rouge vif, sous une vaste couche neigeuse…

À moins que, quelquefois, au Dakota du Nord, la neige fonde… Mais ça m’étonnerait…

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