Fire Walk with Me

twin_peaks_fire_walk_with_me_ver1

Glaçant !

Après la longue fascination exercée, depuis quelques semaines par l’absorption du Pilote et des 29 épisodes de la série télévisée, je pensais être un peu tranquille et ajouter au gâteau la cerise indispensable en concluant mon immersion dans le monde extraordinaire de David Lynch avec une sorte d’épilogue/prologue rassurant mon équilibre mental en me donnant les clés et les ficelles indispensables au démontage d’une fiction en soi dérangeante.

Mal m’en a pris ! Non, bien sûr que Fire Walk with Me m’ait déçu (et puisse décevoir un amateur du grand semeur de cauchemars éveillés qu’est Lynch) ; c’est tout aussi extraordinaire que tout le reste, et peut-être encore plus exceptionnel. Mais quelle dureté et quelle épouvante ! Quel malaise, et quelle noirceur !

Je perçois mieux aujourd’hui la justesse des remarques appliquées au message que j’ai déposé sur le fil de  la série, message où je faisais la fine bouche sur les rapports un peu burlesques de l’adjoint Andy et de la secrétaire Lucy : on m’a rappelé opportunément qu’il s’agissait des vraies gens de Twin Peaks, de leurs petites histoires, touchantes ou naïves et que cela aussi participait de la réalité de la description de la ville. D’ailleurs, même si la série n’était pas avare en scènes horrifiantes et en tensions cruelles, si le fond des gens et des choses était tout aussi perversement mis en scène, il y avait un côté ironique, narquois, excessif qui, dans les pires moments, permet de prendre de la distance (je pense spontanément à toutes les scènes où Léo Johnson (Eric DaRe) est prisonnier, d’abord de sa femme Shelly (Mädchen Amick) et de Bobby (Dana Ashbrook), puis, plus cruellement, de Windom Earle (Kenneth Welsh) : si méchantes qu’elles sont, ces scènes ne sont jamais dépourvues d’une grandiloquente bouffonnerie – y compris les dernières, où le malheureux Léo tient désespérément entre ses dents le fil d’une cage d’araignées venimeuses, cage qui lui tombera dessus, dès qu’il desserrera les mâchoires).

Twin_Peaks_Splatter_desktop_by_MarkSplatterRien de tel dans Fire Walk with Me, où il n’y a pas un sourire, pas un personnage cocasse, comique, grotesque mais bien plutôt, et davantage encore au fur et à mesure que progresse le film une plongée dans un univers épouvantablement rouge et noir, absolument démoniaque, sans générosité aucune, sans beauté et sans espérance.

Laura Palmer (Sheryl Lee, absolument magnifique de talent) est un des personnages les plus pathétiques jamais créés, qui vit dans la consciente horreur de sa descente aux enfers, irrémissible et inéluctable, prise dans l’évidence de son inévitable calvaire, et des bribes d’espoir que l’amour de James Hurley (James Marshall) lui fait entrevoir, comme des éclaircies trop brèves pour avoir quelque chance de la hisser hors de sa nuit.

Film déprimant, désespérant, d’une cruauté et d’une tristesse rare, quelquefois peu soutenable : la scène dans la taverne de Jacques Renault (Walter Olkewicz), sa musique obsédante, sa lumière rouge, cette orgie qui (comme toutes les orgies ?) n’a rien de voluptueux, mais tout de pathétique, est une des moins soutenables que j’ai connues (et cet un amateur de Cannibal holocaust qui écrit cela !), mais film formidable, sans aucune respiration, sans aucun repos, sans aucune baisse de tension.

Lynch est grand, vraiment !


Leave a Reply