Si j’intitule ce message Les pépées font la loi, du nom d’un affligeant film de Raoul André, qui n’a aucune importance, c’est parce que dans Fleur d’oseille, tout aussi affligeante production de troisième zone d’un Georges Lautner, qu’on a connu mieux inspiré, les seuls quinquets qu’on puisse apercevoir, dans la nuit abyssale, sont ceux qui éclairent les deux personnages féminins.
Ce venin craché, que dire ?
On s’ennuie pesamment dans cette histoire abracadabrante ; d’être abracadabrant n’est pas, en soi, un défaut, bien loin de là, pour un film de gangsters franchouillards menés par le toujours impeccable André Pousse : c’est même ce qui a souvent fait le charme et la presque exclusive qualité des films de Lautner : Les tontons flingueurs, Le monocle rit jaune, Les barbouzes, Pas de problème sont souvent animés d’une foldinguerie délicieuse qui en font quelquefois des chefs-d’œuvre du genre. Seulement il faut du rythme, de la vivacité, de la désinvolture gaie.
Rien de tout cela dans la mollassonne Fleur d’oseille qui se traîne en bâillant et qui, malgré les recettes habituelles du genre – cascades automobiles, défouraillages divers, constants et pittoresques, emploi sans restriction de l’argot du Milieu – ne parvient jamais à trouver sa vitesse de croisière. Entre quelques séquences intéressantes, il y a des déserts d’ennui. Il y a aussi, au débit du film, la repoussante présence d’un des pires histrions du cinéma français, Paul Préboist, dont on est souvent gêné d’être le compatriote et même le congénère.
Au début du film intervient une voix off, qui commente quelques épisodes précédents de l’histoire des protagonistes et fait les liaisons entre les séquences, et n’est pas mal venue ; quelques trognes de truands bien connues (Dominique Zardi, Henri Cogan, Amidou) donnent l’impression d’être chez soi dans ses pantoufles, ce qui, à mon âge, n’est jamais désagréable. Le village méridional abandonné où se passe le dernier tiers du film est absolument photogénique (il est vrai qu’il n’a guère de mal, à séduire, le premier tiers se passant à la gare de Montargis, qui donne une assez belle idée de ce que pourrait être le Purgatoire). Voilà les miettes positives.
Mais ce qui est bien, et qui peut sauver un tout petit peu Fleur d’oseille de la nullité, c’est le couple formé par Mireille Darc et Anouk Ferjac ; et quand j’écris couple… Je m’étonne qu’en 1967 on ait tant laissé passer l’évidente homosexualité qui transparait de toutes les séquences où les deux femmes sont ensemble, même quand elles sont prêtes toutes deux à céder au même homme, le tueur Jo de Fréjus (Henri Garcin). La maîtrise absolue qu’exerce Marité (Anouk Ferjac) sur les pensionnaires de la Maison d’accueil des filles-mères est aussi significative que la complicité tendre qu’elle instaure avec Catherine (Mireille Darc) ; ces femmes sans homme, nanties de leurs bébés se satisfont très bien de la situation et veulent simplement qu’on leur fiche désormais la paix : c’est aujourd’hui banal, c’était, il y a quarante cinq ans, assez singulier…