Drôle de farce...
Je me doutais bien qu’il y avait une faille dans mon souvenir et que je surévaluais cette gentille comédie d’avant-guerre, vue dix fois à la télévision, lorsque sur les deux ou trois chaînes alors seulement disponibles, on n’hésitait pas à proposer des films en noir et blanc (c’est curieux, n’est-ce pas ? aujourd’hui, les trente chaînes gratuites dont nous disposons sont beaucoup plus frileuses…).
L’idée de départ est amusante et bien venue et il y a des qualités ; mais il faut aussi supporter un Fernandel livré à lui-même, ou, en tout cas s’accommoder de son jeu… Selon les scènes, selon son humeur, on qualifiera de cabotinage, ou, au contraire, d’abattage ses mimiques, ses gloussements, ses jeux de scène outrés ; on sait bien son talent, qui quelquefois confina au génie ; on sait bien aussi son goût pour la facilité et la grosse connivence, acquise pendant ses années de music-hall et tout au long de films d’une absolue nullité…
François 1er, c’est du Fernandel puissance dix, et c’est assez dommage parce que le scénariste, Paul Fékété, et le réalisateur, Christian-Jaque avaient tout de même mis sur la table un matériau intéressant…
Et ce n’est pas simplement du voyage dans le temps que je parle, des effets comiques faciles mais très efficaces créés par l’anachronisme (la pavane solennelle se transformant, à la suggestion d’Honorin des Meldeuses, en java dandinée joue contre joue, le cours d’économie moderne donné à François Ier et Henry VIII par Honorin qui explique les mécanismes de l’Emprunt d’État et de la Loterie nationale).
Il y a une assez narquoise et bienvenue intervention d’un rigolo La Palisse (Charles Lemontier) qui ponctue tous ses propos d’évidence par un Ha ! d’un bon effet ; il y a aussi, in fine, la réexpédition d’Honorin, qui n’était rien et l’est redevenu aux yeux du monde, dans un passé où il était quelque chose ; il y a quelques scènes d’anthologie portées par Fernandel, la célébrissime torture par la chèvre lécheuse, bien sûr, mais peut-être aussi et davantage l’effarement du même découvrant dans son dictionnaire ce qu’est le Jugement de Dieu.
On aurait pu aussi aller assez loin dans la noirceur en insistant sur la triste vie réelle d’Honorin, méprisé par tous, pauvre type qui espère depuis des lustres ravir le cœur de la belle en comptant que le ténor habituel sera malade et qui ne trouvera finalement de douceur qu’en étant ré-envoyé au 16ème siècle, par un sortilège hypnotique… ; c’est assez noir et intéressant, mais ça n’est pas assez creusé…
Et puis, aujourd’hui, émerveillement d’un temps où le public très populaire qui se pressait devant ce genre de films était nourri d’histoire de France, et pour qui Henry VIII, roi d’Angleterre, et ses six femmes, le chevalier Bayard, les connétables de Bourbon et de Montmorency n’étaient pas de parfaits inconnus, où l’œuf de Colomb et le coup de Jarnac parlaient à chacun…
Ah au fait ! L’édition France Télévisions est absolument dégueulasse ; l’image va à peu près , mais le son est à peine audible quelquefois, et il n’y a pas l’ombre du début d’un supplément…