Élégant, léger, superficiel.
Je crois bien que Haute pègre est le premier film que je regarde de l’assez réputé Ernst Lubitsch, film que le cinéaste considérait comme sa meilleure œuvre et qui est chanté ici et là avec des trémolos admiratifs sur bien des sites de cinéma. Je ne suis pourtant pas certain que ça m’a donné envie de voir d’autres réalisations de ce metteur en scène, mais je ne rechignerais pourtant pas si m’étaient proposés à bas prix ou par la grâce d’une diffusion télévisée Ninotchka (surtout pour découvrir si Greta Garbo était si belle qu’on l’a dit) ou Jeux dangereux qui est, paraît-il, assez réussi dans le genre sarcastique.
Haute pègre est un film léger, spirituel, souvent divertissant, parfaitement immoral, d’un comique plutôt facile mais honorable où deux escrocs internationaux de palaces, monte-en-l’air de haute volée, Lily de Vautier (Miriam Hopkins) et Gaston Monescu (Herbert Marshall), pickpockets séduisants et habiles, entreprennent de gruger une délicieuse écervelée, Mariette Collet (Kay Francis), héritière insouciante d’une grande maison de parfums. Tout irait fort bien si, au grand dam de Lily, Gaston ne commençait à s’éprendre de Mariette, ce qui risque de mettre à mal les projets cambrioleurs.
On le voit, c’est une situation de vaudeville typique, encore alourdie par la présence de quelques figures obligées du genre : les deux soupirants transis et richissimes de Mariette, le Major (Charles Ruggles) et Henry Filiba (Edward Everett Horton), Jacques (Robert Greig) majordome impeccable et Giron, (C. Aubrey Smith) le gestionnaire de la fortune de Mariette qui, sous des allures vertueuses, est une véritable canaille.
L’intrigue est donc extrêmement prévisible, d’une évidence un peu lourde même. Elle est sauvée par une grande virtuosité dans la conduite des dialogues, souvent brillants et davantage encore par le charme des trois acteurs principaux qui, néanmoins, ne semblent pas avoir fait carrière au delà des États-Unis ; il y a, par exemple, une scène de séduction entre l’élégante arsouille Monescu et la légère Mariette qui est absolument délicieuse.
Il est dommage que ce petit film élégant pâtisse de scories lourdement yankees, celle, par exemple, de faire retentir la canzonetta napolitaine O sole mio par deux fois sur les canaux de Venise ou pire encore, celle de faire dialoguer les protagonistes à coup de mentions nominales appuyées Madame Collet, Monsieur La Valle (La Valle pseudonyme de Monescu), comme si ces deux personnages, censés être du meilleur monde, ignoraient la bienséance qui impose qu’on n’emploie le patronyme qu’envers un subordonné… Et puis les intituler Gaston (ça va encore) et Mariette (prénom de boniche), c’est un peu douteux.
Mais enfin, il faut reconnaître à Lubitsch le bon goût de faire évoluer ses personnages à Paris, capitale du monde. Charmante comédie avec des personnages sans substance, ni épaisseur. C’est très superficiel, un peu en dessous du niveau d’un René Clair, mais du même acabit…