Frénésie de chaque instant
Convenons d’abord que Hellzapoppin n’est pas un grand film, mais demeure un film qui a durablement marqué les mémoires, peut-être aussi grâce à l’extraordinaire éclat de son titre. Mais surtout il a ouvert la grande voie de la loufoquerie à toute une série de joyeux drilles (je note que les sous-titres du film sont de la main – et de l’esprit, donc ! – de Pierre Dac, lui-même père des loufoques français).
Comment ne pas reconnaître l’évidente filiation avec les Branquignols, moins pour le film éponyme, absolument raté, que pour le triomphal Ah ! les Belles bacchantes, celui-ci mâtiné d’une touche graveleuse bien parisienne ? Et, à la télévision, les séries de Jean-Michel Ribes, Merci Bernard et surtout le formidable Palace, si, très françaises, elles font davantage appel au discours et au comique verbal, présentent bien aussi ce caractère déjanté. A la télévision encore, mais aussi au théâtre, c’est la troupe des Deschiens, de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff qui reprend cette thématique (je me souviens d’une représentation des Brigands d’Offenbach, à l’Opéra, mise en scène par les Deschiens où les gibiers tombaient des cintres dès qu’un coup de feu était tiré…)
La frénésie continuelle d’Hellzapoppin est peut-être, finalement à la fois son grand atout et son plus sérieux défaut : les gags se succèdent à une telle allure qu’on a à peine le temps de les voir, moins encore de les apprécier, qu’on est déjà lancé dans une direction nouvelle et dans une inventivité exceptionnelle… C’est donc sûrement un film qui mérite et justifie quelques visions supplémentaires avant de donner tout son suc. Mais d’emblée, je crois devoir saluer et signaler la performance extraordinaire d’acteur de Mischa Auer (dont la fin de carrière fut très française), excellent en Prince Pépi, aristocrate et rastaquouère, et plus encore une séquence jazzée exceptionnelle où peu à peu, instruments et danseurs se rejoignent pour un formidable be-bop, d’une gaieté et d’une allure sans pareilles.
Un film sorti en décembre 41… ça n’allait plus être aussi rigolo avant quelques années…