Le sujet, en fait, n’a pas d’importance. Un gentil garçon, Jean Simon (Gad Elmaleh), insignifiant loufiat dans un palace de Biarritz, un type qui n’a jamais rêvé sortir de sa condition servile tombe fortuitement dans le monde de ceux que jusqu’alors il servait. Parce que, par un hasard miraculeux, il a été pris pour un type riche par une de ces écumeuses intéressées qui sillonnent les beaux endroits avec leur beau corps et en font commerce. Irène Mercier (Audrey Tautou) ne songe qu’à une chose : assurer son avenir dans l’aisance, le luxe, l’insouciance.
On aimerait d’ailleurs que le réalisateur de Hors de prix fasse là intervenir une graine d’explication ; mais non, on ne saura pas pourquoi Irène a si peur des incertitudes de la vie ; et il serait trop simple de penser que c’est tout simplement parce qu’elle aime le confort des palaces, la qualité des champagnes qui y sont servis, la douceur des boutiques de luxe où les vêtements, les sacs à main, les bijoux, les montres coûtent des sommes astronomiques, qui ne sont rien, pourtant, à ceux que la vie ou leurs efforts ont doté de plein de sous.
Naturellement le brave Jean tombe d’emblée amoureux de la femme corsaire qui vit alors avec Jacques (Vernon Dobtcheff) à l’Hôtel du Palais à Biarritz. Et, grâce à une habileté de scénario, la fille vénale, qui vit d‘arbitrages spéculatifs comme les traders du marché financier, ne demande pas mieux que d’abandonner son vieil amant pour un plus jeune, plus fringant et possiblement plus riche.
Tout cela est plutôt bien fait et bien vu. Surtout la totale immoralité d’Irène qui n’existe qu’en se vendant au plus offrant, en en faisant presque une philosophie de vie, et en n’en tirant aucune culpabilité ; ce qui est bien aussi c’est que, après avoir martelé dans la tête de Jean qu’elle n’était que vénalité, mais ressentant pour lui une attirance réelle, elle le pousse à devenir ce qu’elle est : une sorte de goule. Et comme le garçon ne manque pas de charme, il n’y a aucune raison qu’il ne devienne pas, lui, pour une femme, ce qu’elle est, elle, pour les hommes qui la désirent : un objet utilitaire et décoratif.
Monte Carlo désormais. Jean devient l’homme de compagnie de Madeleine (Marie-Christine Adam), bourgeoise riche et goulue qui se l’attache. L’homologue parfait d’Irène qui vit désormais avec Gilles (Jacques Spiesser). Chacun joue sa partie en faisant mine de ne pas comprendre qu’il y a de l’amour entre eux, en fait. Le film de Pierre Salvadori baisse alors complétement de ton. Il y avait quelque chose de féroce à réaliser, de tragique peut-être même. On ne sait jamais : le pire n’est jamais certain.
Mais hélas, le pire survient et le film se termine sur une image bleue et rose : les deux amoureux ont rompu avec leurs démons et partent ensemble vers on ne sait quoi. Revoir la fin du Fanfaron de Dino Risi pour comprendre ce qui est nécessaire pour faire d’un gentil film un grand film.