Les États-Unis d’Amérique ont empoisonné le monde depuis une large centaine d’années avec leur interventionnisme messianique délirant qui a semé la guerre partout, leurs hamburgers dégoulinants de graisse cuite et leurs sodas acides décapants. C’est une affaire entendue. Mais il faut mettre à leur crédit d’avoir créé une denrée rare et délicieuse, qu’eux seuls, à dire le vrai, ont su complétement maîtriser : la comédie musicale, genre qu’ils ont mis au monde, développé, enrichi, enluminé comme personne. C’est comme ça, il faut bien l’avouer.
Nos Demoiselles de Rochefort et notre Jacques Demy, d’immense qualité, sont en effet bien seuls devant l’abondance, la qualité, la variété, l’inventivité, l’originalité, la virtuosité de toutes les merveilles grandes et petites qui ont enchanté plusieurs générations. et qui d’une certaine façon, continuent à le faire puisque un jeune réalisateur, Damien Chazelle a essayé, sans trop y parvenir, d’en faire revivre la magie en 2017, avec La la land.
La musique, la danse, la féerie, l’enchantement d’histoires invraisemblables et ravissantes, la gaieté, la légèreté, l’enthousiasme, le sourire, voilà une sacrée recette. Sans doute les grincheux trouveront-ils que l’image du monde ainsi donnée est absolument fausse et fournit ainsi un opium du peuple très commode ; il n’est d’ailleurs pas faux de remarquer que le genre, né avec le cinéma parlant, à la fin des années 20, s’est développé en même temps que l’effroyable crise surgie en 1929. Comme le film d’épouvante, d’ailleurs : exutoires commodes devant la sauvagerie capitaliste.
Il était une fois Hollywood est une succession tourbillonnante de numéros d’anthologie puisés ici et là dans les trésors de la Metro Goldwyn Mayer. Comme la société de production a sans doute été la plus impliquée dans le genre, ça ouvre une large palette ; mais ça exclut, par exemple, les films produits par RKO Pictures, ceux de Mark Sandrich, par exemple, qui sont sans doute les meilleurs illuminés par le charme de Fred Astaire : on ne voit rien de La joyeuse divorcée (1934), du Danseur du dessus (1935), de En suivant la flotte (1936), de L’entreprenant M. Petrov (1937).
Cela étant dit, le film est un monument d’enthousiasme, d’allant, de rythme et de variété : on commence par les féeries grandioses, quasiment babyloniennes, emplies d’hectomètres de tulles et de myriades de figurants où Eleanor Powell sidère le spectateur par son abattage et la virtuosité de son jeu de claquettes : des machineries considérables, qui semblent des pâtisseries gourmandes qu’on dévide avec gourmandise. Un grand spectacle, tellement bien illustré par Le grand Ziegfeld de Robert Z. Leonard.
Mais vite on en vient aux grands bonshommes : Fred Astaire et Gene Kelly qui présentent avec beaucoup d’élégance le florilège des productions MGM et les trésors qu’elles recèlent. trésors qui n’ont fait que de brèves apparitions comme Elizabeth Taylor, Jean Harlow ou Joan Crawford. Ou, au contraire ceux qui ont irrigué les dizaines de films, souvent insignifiants et oubliés qu’ont tourné Judy Garland et Mickey Rooney.
Scènes d’anthologie, connues de tout le monde (Chantons sous la pluie largement mis à contribution, Le magicien d’Oz, Un jour à New York, Les sept femmes de Barberousse, Haute société, Un Américain à Paris). Et en même temps, promenade désinvolte qui ne s’attache pas à une chronologie, qui bondit, sursaute, éclabousse, jaillit. Un merveilleux florilège.