Il est de prime abord évident que le film de Laurent Heynemann, qui date de 1981 s’appuie sur la mythologie tressée autour de ce que fut, en Allemagne, la Rote Armee Fraktion, (la Fraction Armée rouge), aussi connue sous le nom de groupe Baader/Meinhoff et que le personnage de Birgitt Haas a de larges parentés avec celui d’Ulrike Meinhoff, mais aussi, peut-être, avec ceux de certaines de ses homologues d’Outre-Rhin, du groupe Action directe, Joëlle Aubron ou Nathalie Ménigon ; et il devait y avoir, au sein des Brigades rouges italiennes, quelques passionarias tueuses du même acabit.
Ulrike Meinhoff ayant été suicidée dans sa cellule en mai 1976, je suppose qu’il était dans l’air du temps d’évoquer de vertueuses indignations rétrospectives, alors que ce genre de justice sommaire n’est nullement inédit dans l’histoire récente. Miguel Almereyda, le père du grand cinéaste Jean Vigo fut zigouillé itou en 1917, et l’escroc Alexandre Stavisky mêmement dans un chalet de Chamonix en 1934. On sait que la République gouverne mal, mais se défend bien.
Je compte donc pour rien, dans Il faut tuer Birgitt Haas le côté moralisateur, indigné et vertueux, qui se penche sur le sort de la pauvre terroriste, dont les mains dégoulinent encore de sang d’attentats aveugles, mais qui en vient à se poser la question de la pertinence et de la nécessité des actes terroristes qu’elle a commis. Pour les familles des victimes, ces états d’âme sont un peu tardifs et même, d’une certaine façon, assez obscènes. Je songe à la définition donnée par le grand Ambrose Bierce du terme Homicide dans son Dictionnaire du Diable : Homicide. Nom masc. : Interruption d’une vie humaine par une autre. Il existe quatre types d’homicides : inexcusable, excusable, acceptable et souhaitable, mais ça ne fait pas une grande différence aux yeux de la personne interrompue.
Je compte donc pour rien ou pour fort peu, la vertueuse indignation de Laurent Heynemann, mais j’ai pris un certain plaisir à regarder un film souvent maladroit et parcellaire (je m’explique mal le coup de foudre réciproque qui va frapper en un clin d’œil la terroriste lasse Birgitt Hass (Lisa Kreuzer) et le falot Baumann (Jean Rochefort) ; je ne comprends pas pourquoi Athanase (Philippe Noiret), aux dernières images, ne tue pas Baumann, comme la logique le voudrait).
J’ai pris du plaisir, mais je n’ai pu m’empêcher de songer à deux films, deux films passionnants, bien postérieurs à Il faut tuer Birgitt Haas, films qui reprennent de manière plus forte les problématiques exposées par Heynemann.
L’un de bonne qualité, Les patriotes d’Éric Rochant, qui met en scène une cellule secrète et particulière du Mossad israélien, assez comparable au Hangar, une cellule qui agit au delà de toute légalité, pour l’intérêt supérieur de l’État et la défense de ses intérêts vitaux. L’autre, de grande qualité, Cavale de Lucas Belvaux, qui décrit l’errance dramatique d’un terroriste gauchiste poursuivi par toutes les polices, qui erre entre ses anciens amis et ses anciens contacts comme un hanneton perdu dans un monde qu’il ne comprend plus et qui a bougé sans lui.
Il faut tuer Birgitt Haas est un peu la juxtaposition de ces deux types d’aventures, l’une et l’autre mortifères et sombres, qui laissent ceux qui les approchent à peine comme médusés, sidérés et sans espérance. Il n’y a pas beaucoup de gaîté, de légèreté et moins encore d’espérance ; l’amour y est triste, perçu comme une simple façon de s’accrocher à la vie, à la survie, plutôt…
Mais c’est tout de même un peu maladroit, mal dialogué, tourné de façon un peu engoncée. Bien dommage, finalement.