Violence des échanges en milieu tempéré.
Comme c’est chichiteux, compliqué, en fin de compte torturé ! Quelle histoire idiote à peu près incompréhensible, où l’on se demande à chaque séquence à quoi elle peut aboutir ! Je suis certainement sévèrement atteint par les premières atteintes d’Alzheimer, mais je n’ai pas compris grand chose à cette histoire de bande qui vient commettre un casse dans une banque new-yorkaise, ne pique absolument rien sinon les preuves de la vénalité absolue du créateur de la banque, Arthur Case (Christopher Plummer) qui a fricoté avec les Allemands pendant la guerre et a ainsi bâti sa fortune.
Ouh là là ! Une fois de plus les zones d’ombre du siècle dernier viennent envahir l’espace et donner aux scénaristes de vertueuses orientations indignées. Que serait le cinéma aujourd’hui si le diable nazi n’avait ravagé le monde ? Il fournit l’image idéale – et réelle – du Mal absolu et permet donc aux scénaristes de ne pas trop se casser la nénette pour faire frémir les spectateurs et les replonger dans l’abomination de la désolation.
Je m’énerve pour pas grand chose : des films de casse, il y en a des dizaines et des dizaines. La plupart échouent à la fin, par la malice du Destin (de L’ultime razzia à Mélodie en sous-sol en passant par Du rififi chez les hommes). Quelques uns réussissent – Les égouts du paradis, par exemple – parce qu’ils se fondent sur la réalité. Mais aucun, à ma connaissance, n’est aussi tordu et bizarre que le film de Spike Lee dont, quelques heures après l’avoir découvert, je me demande bien encore quelle est la direction et l’esprit.
Goût du lucre ? Militantisme contre les salopards qui ont fricoté avec l’Allemagne ? Autre chose ? Je n’ai toujours pas compris. Le film aurait pu braquer ses caméras sur l’équipe des braqueurs – dont on ne saura rien vraiment rien, nib de nib – plutôt que sur l’ennuyeux policier Keith Frazier (Denzel Washington), médiocrement typé et assisté par son adjoint niquedouille Bill Mitchell (Chiwetel Ejiofor) ; à dire le vrai, on ne saura pas davantage sur le policier, sinon que, divorcé, il envisage de se remarier avec la très sexy Sylvia (Cassandra Freeman) qu’on ne verra que moins de trois minutes tout compris.
Sans entrer dans l’invraisemblable complication du scénario, sans en divulguer les ramifications, sans en raconter les variations, je puis toutefois dire que tout se passe dans une banque où quatre casseurs prennent en otage une quarantaine de gens, employés et clients. Comme ils les costument illico avec une sorte d’uniforme, combinaisons de peintres, cagoules et tout le toutim, il n’y a que très peu d’individualisation des personnages. On ne fait donc que voir les couloirs ennuyeux de la banque et on ne fait qu’entendre les échanges entre le policier Frazier/Washington et le chef des malfrats Dalton Russell (Clive Owen).
Un seul personnage intéressant, mais très superficiellement approché : Madeleine White (Jodie Foster), une femme de grand pouvoir, qui vend très cher ses services et négocie directement ses interventions avec les plus hautes institutions. Là était le plus bel angle de récit : ravissante, hors de prix, cynique, inaccessible, une rareté glaçante dont on se demande d’où elle vient, qui elle est, ce qui la fait marcher ; ce n’est pas le mystère qui l’entoure qu’on peut reprocher au film : c’est que le rôle soit insignifiant, limité, finalement presque inutile.
Voilà donc un assez mauvais film, tourné avec de gros moyens et qui est bien trop long pour la brièveté de son propos. À part l’exhibition – si facile, si évidente – de la Vertu, qui, néanmoins, se noie dans la complication absurde d’un scénario élaboré dans les usines d’écriture de Hollywood. On cherche le fil directeur. On ne le trouve pas.
Ce n’est pas qu’on s’ennuie, c’est pire : on se demande à quoi ça rime.