Intouchables

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Mon Dieu, que de succès, que de spectateurs, que de révérence pour si peu de choses ! Mais n’est pas désagréable, Intouchables et on peut même comprendre que le populo – celui qui apprécie le mélodrame où a pleuré Margot – se soit précipité devant les écrans complices pour être ému, exalté, rassuré sur sa propre bienveillance, émoustillé par la relation d’une histoire vraieoù un richissime multimillionnaire, Philippe (François Cluzet) s’éprend d’un de ses assistants de vie Driss Bassari, (Omar Sy) après qu’il a été confiné dans son corps par un grave accident de deltaplane.

Quand j’écris s’éprend, il ne faut pas voir là-dedans la moindre connotation homosexuelle : il se trouve que le millionnaire et l’enfant des cités vont nouer une belle relation, intelligente et complice. Et c’est tout. Mais c’est là que le film s’achève : au bout d’une petite heure, on a beau jeu de se demander ce qui va se passer ensuite. Et en fait ce n’est rien.

Donc Philippe (François Cluzet) un homme riche, très riche, devenu tétraplégique, trouve en Driss (Omar Sy) un homme toutes mains, qui s’occupera de lui matin, midi et soir, un type des banlieues capable de l’accompagner dans sa terrible dégradation. Et peu à peu, le grand bourgeois amateur de musique classique, de grande peinture, de poésie subtile va être impressionné par cette forme fruste, joviale, sympathique, décomplexée et pleine de vitalité. La vitalité qu’il n’a plus.

Le film n’a de qualité que dans sa première heure, en fait : celle où sont mis en place les protagonistes et où les gouffres culturels entre les uns et les autres sont mis en exergue. Il y a des scènes assez rigolotes, d’une puissante démagogie populiste où le discours tenu à la fois oppose et rassemble les deux hommes, la vitalité, l’énergie, l’humour de Driss l’emportant sur le raffinement, la réserve, la désespérance de Philippe.

Une fois cette heure atteinte, il faut bien continuer à produire de la pellicule. Or Olivier Nakache et Éric Toledano, les réalisateurs sont un peu à sec d’imagination. Ils introduisent des anecdotes sans lien avec la relation entre Philippe et Driss ; ainsi le comportement insupportable, hautain, méprisant d’Élisa (Alba Gaïa Kraghede Bellugi), la fille de Philippe, ainsi les tentatives répétitives de Driss de sauter Magali (Audrey Fleurot) qui se révèlera lesbienne ; ainsi l’aventure épistolaire entre Philippe et la mystérieuse Éléonore dunkerquoise…

Je n’ai pas lu – et n’ai aucune intention de lire – l’autobiographie ‘’Le second souffle’’ de Philippe Pozzo di Borgo, dont le film adapte un seul chapitre et ma science ne découle que de Wikipédia ; mais d’après la notice de l’encyclopédie, le véritable Driss s’appelait Abdel, sortait de prison et était algérien. Son employeur le décrit comme insupportable, vaniteux, orgueilleux, brutal, inconscient, humain et il ajoute que le film a été volontairement tiré vers le comique et la gentillesse : Driss est un peu moins rugueux qu’Abdel, plus souriant. Et puis Abdel ne dansait pas, il tapait ! C’était un chef de bande, beaucoup plus dur que dans le film.

On peut dire qu’Olivier Nakache et Éric Toledano ont visé juste : je vois mal comment le filmage de la réalité aurait pu faire autant couler les torrents de caramel mou qui ont entraîner l’incroyable succès public d’Intouchables. Même si j’ai une antipathie personnelle pour Omar Sy, le multimillionnaire californien qui sue à chaque occasion sa haine de la France qui l’a nourri, je dois lui reconnaître une grande présence à l’écran. François Cluzet est une valeur sûre du cinéma français, qui ne se démonétise que peu à peu. Et je signale que, comme d’habitude, Anne Le Ny, qui joue le rôle d’Yvonne, la secrétaire de Philippe, est parfaite.

 

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