Certificat d’études.
Voilà un beau film tendre et pieux consacré à Jacques Demy comme une lettre amoureuse par celle qui fut sa compagne de vie et qu’il reçut pendant les derniers mois de sa brève existence, alors que pressé par les ravages du sida, il écrivait pour Agnès Varda les souvenirs d’enfance qui sont la matière de Jacquot de Nantes.
Il est inutile d’aller y mettre son nez si on n’apprécie pas le charme très particulier du cinéma de Demy, capables de ratages affreux et de réussites ailées. Et si, non plus, ou tout autant, on n’est pas sensible à la veine documentariste de Varda, celle de Daguerréotypes ou des Glaneurs et la glaneuse ; car, même si Jacquot de Nantes est une biographie filmée, le film est d’une grande fidélité à l’enfance du cinéaste disparu, à tout le moins à ses souvenirs.
Avec beaucoup d’habileté et d’amour, Agnès Varda entrecroise trois éclairages. Il y a plusieurs séquences sur le Demy du tournage, certaines en gros plans très resserrés sur ses cheveux, ses yeux, ses mains, d’autres où le cinéaste s’exprime en quelques mots sur tel ou tel point de son enfance, alors qu’il porte visiblement sur lui les marques de sa maladie et de son épuisement.
Aussi, et grâce à trois jeunes acteurs qui interprètent le jeune Jacques et se succèdent en fonction de l’âge atteint sur l’écran (Philippe Maron, Édouard Joubeaud, Laurent Monnier), le récit des seize ou dix-huit premières années du cinéaste, dans une famille modeste et très aimante, avec un petit frère peureux et complice, des voisins attentifs, des moments de joie et les épreuves de la guerre, des restrictions, des bombardements, de l’exécution des otages, de la Libération, des difficultés à convaincre les parents, bien réticents, surtout le père, bien sûr, qu’on veut faire du cinéma, et qu’on ne veut faire que ça… La fascination pour le spectacle, la détermination à tourner au moyen de caméras achetées d’occasion de petites scènes élaborées avec des personnages en carton et en bouts de ficelle animés image par image. C’est bien beau, cette opiniâtreté, cette inventivité, cette fièvre qui permettent à un adolescent que rien ne prédestinait à ça de s’enfouir dans le monde enchanté de la création.
Et enfin un éclairage très intéressant sur les films que Jacques Demy a tournés et qui font irruption à l’évocation de ce qui a pu en suggérer la réalisation. Guy (Nino Castelnuovo), dans Les parapluies de Cherbourg est garagiste comme l’était le père du réalisateur, Jackie (Jeanne Moreau) de La baie des anges flambe au jeu comme flambait une cousine du petit Jacques venue en visite, la mort brutale d’une cartomancienne, découverte par Jacques enfant est évoquée dans Une chambre en ville, etc.
Comme toujours avec Ciné Tamaris, la maison de production de Varda, le DVD est édité avec un soin méticuleux et présente des suppléments passionnants (les boni, comme dit Varda, parce que c’est plus français et plus joli) et notamment un court métrage de 1955, Le sabotier du Val de Loire tourné dans la veine naturaliste et sous la houlette de Georges Rouquier.