Trop théâtral.
Encore revu l’autre jour et encore déçu ! C’est vraiment, comme le disent beaucoup de cinéphiles, un film où John Huston n’a pas pu se départir du théâtre et dont on voit vraiment que c’est l’adaptation d’une pièce à succès.
On y entre et on y sort, côté cour et côté jardin, et, à part à de rares moments, on ne ressent pas ce qui devrait apparaître évidemment : un huis-clos poisseux dans un îlot désolé, avec l’odeur confinée de la sueur, du cigare de Johnny Rocco (Edward G. Robinson), les effluves sucrées pourries de la mangrove, les gifles de pluie de l’ouragan. On ne sent que bien rarement cet ouragan, d’ailleurs, et Huston ne le fait intervenir, un peu niaisement, que dans des fenêtres qui s’ouvrent brutalement, et qui sont promptement refermées.
Ce même côté théâtral est présent dans le jeu des acteurs, davantage orienté vers la scène que vers le cinéma : ainsi le vieux Temple (Lionel Barrymore), demi paralysé tentant de se lever pour se jeter sur les gangsters, ainsi sa belle-fille Nora (Lauren Bacall) martelant de ses poings l’affreux Rocco et se faisant cueillir par un baiser qu’on imagine gluant.
Cela dit, on ne peut pas jeter Key Largo dans les ténèbres extérieures, parce que, si les seconds rôles sont bons, voire excellents – Claire Trevor qui interprète Gaye, l’alcoolique au grand cœur reçut un Oscar pour son jeu – les stars sont du domaine du mythe et qu’on est toujours bluffé en revoyant Humphrey Bogart, Edward G. Robinson et Lauren Bacall réunis sur l’écran…
Et à dire vrai, je trouve que Bogart est un peu en dessous (c’est le rôle qui veut ça, sans doute), mais que Robinson, immonde comme on rêve d’en écraser un sous son talon est merveilleux. Quant à Bacall, je ne suis pas sûr d’être objectif depuis que – voilà une confidence dont je ne suis pas peu fier – j’ai noué sur sa nuque, en factotum ravi, la cravate de Commandeur des Arts et des Lettres… Le ravissement du Look persiste, presque vingt ans après… en tout cas, sa grâce et sa séduction illuminent Key Largo…
Qui n’est pas un très bon film, la chose est avérée !