Quand Agnès Varda n’a pas un scénario intelligent et original (Cléo de 5 à 7, Le bonheur, Sans toit ni loi), elle tombe facilement dans le pathos et l’insignifiance (La pointe courte, L’une chante, l’autre pas). Naturellement j’exclue de ce propos les documentaires ou quasi-documentaires, généralement très réussis (Daguerréotypes, Jacquot de Nantes, Les glaneurs et la glaneuse) qui relèvent d’une autre logique et d’un autre regard. Mais dans tous les cas, bons et mauvais films, il y a toujours une sensibilité particulière, celle de la photographie, puisque la dame a été, à la base, une photographe.
Et le meilleur d’un film comme Kung-fu master, c’est précisément la suite de panoramiques lents et superbes qui parcourent les pièces de la maison de Mary-Jane (Jane Birkin) qui vit avec ses deux filles Lucy (Charlotte Gainsbourg) et Lou (Lou Doillon), qui n’ont évidemment pas le même père mais qui se trouvent être les enfants biologiques de l’actrice. Vraiment, il y a quelques séquences qui présentent de véritables natures mortes très bien composées.
Mais voilà. Lors d’une surprise party sage et pluvieuse donnée par Lucy, Mary-Jane s’aperçoit que Julien (Mathieu Demy) un jeune garçon (14 ans), ami de sa fille, plutôt malingre et petit est malade pour avoir trop bu de vodka. Mystérieusement elle s’y intéresse, remarque son regard, s’y attache presque subitement, cherche à le revoir, l’aide à se perfectionner dans un jeu vidéo aussi idiot que tous les autres : c’est Kung-fu master où il s’agit de démolir des adversaires et d’échapper à leurs pièges avec des coups de karaté à la Bruce Lee, afin de délivrer la Princesse retenue prisonnière au cinquième niveau du jeu.On se demande bien pourquoi Mary-Jane est si tôt fascinée par l’adolescent, qui n’est ni particulièrement beau, ni particulièrement cultivé, ni particulièrement fascinant. La pulsion n’est sans doute pas sexuelle, ou alors très peu formulée : ce n’est pas un remake du Blé en herbe de Claude Autant-Lara avec Edwige Feuillère. Il me semble que ce qui séduit Mary-Jane/Birkin, c’est qu’il est un garçon alors qu’elle n’a que des filles et qu’elle vit désormais seule avec des expériences qui ont été des échecs.
Seulement le dieu des corps ne se laisse pas oublier si facilement que ça. Il y a une logique inéluctable qui s’impose lors des rendez-vous de plus en plus fréquents, des caresses d’abord presque chastes puis de plus en plus sensuelles. Mary-Jane essaye de résister le plus possible, mais l’engrenage se resserre.
La famille emmène Julien dans ses bagages à Londres, chez les parents. Mais Lucy découvre sa mère et son copain de classe en train de s’embrasser ; naturellement elle ne le prend pas bien. Atmosphère lourde ; la mère de Mary-Jane incite sa fille à aller se réfugier avec Lou et Julien dans une sorte de maison de pécheur isolée dans une île proche… Elle est lucide sur la situation, lui se la joue un peu. Il est possible qu’ils couchent ensemble alors.
Mais tout finit par se savoir et au retour en France, Julien est repris en main par sa famille. Lucy, toujours furieuse contre sa mère, s’en va vivre avec son père Et Lou passe l’été avec le sien. Mary-Jane fait ce qu’elle peut pour retrouver Julien, écrit, passe à la poste restante de la rue du Louvre, finalement se résigne ; Julien crâne devant ses copains et profane l’histoire : elle avait de grands pieds et pas de poitrine, c’était une vieille…
Toutes ces rencontres ont toujours un goût d’amertume et quelquefois de pire ; qu’on se souvienne de l’affaire Gabrielle Russier en 1969 qui a été adaptée par André Cayatte sous le titre Mourir d’aimer. Une dame professeur séduit un jeune élève. Je n’irai pas plus loin dans les comparaisons.