On peut éviter.
En souvenir de Jean Delannoy, mort centenaire il y a quelques jours, et alléché par la présence au générique de Pierre Véry, scénariste, comme il l’a été des immortels Disparus de Saint-Agil, du lunaire Assassinat du Père Noël et du fascinant Goupi mains rouges, j’ai regardé cet Assassin a peur la nuit et j’en suis bien déçu.
Une grande part de responsabilité de ma déception revient à l’acteur principal Jean Chevrier, sociétaire de la Comédie française, et parfait physique de bellâtre insupportable ; il faut d’ailleurs remarquer qu’il est aussi abominable dans le magnifique Falbalas de Jacques Becker, aux côtés de son acolyte en niaiserie Raymond Rouleau (et ce m’est une interrogation permanente de savoir comment on peut réaliser un aussi bon film avec la seule grâce de Micheline Presle : tout le génie de Jacques Becker est là !).
Donc Chevrier est épouvantable, comme est d’une médiocrité absolue l’exaspérante Louise Carletti, à peu près piquante dans Macao, l’enfer du jeu du même Delannoy, mais là jeune fille tête-à-claques. Même le grand Jules Berry est très oubliable, dans un rôle de fripouille, comme d’habitude, mais là moins marqué par le charme vénéneux qu’il déployait partout (il y a par exemple une scène qui se voudrait tendue, entre Berry et Chevrier qui se voudrait un moment de rigueur impressionnant, et qui est d’un ridicule achevé).
Et puis l’histoire est bébête, enfantine, niaise, vague composite de romance et de polar, qui ne tranche jamais, et qu’on regarde avec une pitié non feinte pour les spectateurs qui avaient payé leur place (il est vrai, me fais-je remarquer, que j’ai moi-même acheté ce DVD ! ; comme disait le Hara-Kiri de la grande époque, on ferait mieux de le voler !).
Ce qui est dommage, c’est que c’est bien filmé et que Delannoy multiplie les angles de prise de vue intelligents et originaux ; mis au service d’une histoire plus vigoureuse, avec des acteurs moins tarte, ç’aurait pu être un assez bon film…
On se demande donc quelle mouche a bien pu piquer l’éditeur, M6 Vidéo, dans sa collection Les Classiques français, d’éditer ce film très oubliable, alors que l’excellent Pontcarral, colonel d’Empire du même Delannoy n’a toujours pas été annoncé ; assez bizarrement, parmi les suppléments, des Notes de production citent une remarque fort juste de Jacques Audiberti, dramaturge et critique, qui écrit, vachardement : Le film promettait mieux que cette bande oscillant entre le mélo larmoyant et un insipide composé de drame du Milieu, de roman policier et d’idylle romantique. On ne saurait mieux dire !
A noter aussi, dans les suppléments une remarquable et très intéressante intervention de Jean Ollé-Laprune, spécialiste de la période, sur Le cinéma sous l’Occupation ; mais c’est bien peu pour un DVD par ailleurs fort bien présenté…