Clinquant. Vide. Ennuyeux.
Avoir voulu embrasser dans un film qui dure pourtant près de trois heures les 22 premiers chapitres de la Genèse, c’est-à-dire du premier segment (qui en compte 50) du Livre majeur de l’Humanité (qui comprend 39 ensembles de textes pour le seul Ancien Testament) était un projet honorable, mais d’évidence promis à la catastrophe. Gageure impossible à tenir, mais aussi trop long feuilleton décousu marqué par une absence totale de spiritualité, ce qui peut se concevoir, mais aussi de distance avec le texte. Sans doute peut-on créditer les scénaristes (dont, paraît-il, Orson Welles) d’une grande honnêteté et d’un respect méticuleux des textes, mais ça ne suffit évidemment pas à rendre compte de récits complexes et légendaires sur lesquels a pris racine la Foi de milliards de gens.
L’émotion et la ferveur sont bien davantage présentes dans l’invocation pourtant totalement hollywoodienne de Moïse/Charlton Heston dans Les dix commandements qui dompte la Mer Rouge et rassure les Hébreux apeurés : L’Éternel combattra pour nous : contemplez Sa puissance ! que dans la superproduction appliquée de John Huston, qui s’attache donc à trois segments de la Genèse : la création du monde, Noé et le déluge et l’histoire d’Abraham avec, en intermissions, si je puis dire, l’épisode de la tour de Babel et la destruction de Sodome et Gomorrhe. À dire vrai on se demande à la fois pourquoi on filme tout cela et pourquoi on ne filme que cela. Cela donne au film une sorte de déséquilibre permanent, des longueurs insupportables, une pesanteur d’ennui exemplaire et puis, de temps en temps quelques belles fulgurances.
Ainsi par exemple la représentation de la construction de l’Arche, son architecture intérieure, son atmosphère ; grande réussite également que la tour de Babel, vraiment impressionnante ; et – le meilleur à mes yeux de tout le film – l’entrée de Loth (Gabriele Ferzetti) et des anges (dont Peter O’Toole) dans la puanteur orgiaque malsaine de Sodome, aux silhouettes d’abord furtives, puis apparaissant immondes. J’ai songé là aux images effrayantes, démoniaques de la boîte de nuit sado-maso d’Irréversible de Gaspar Noé, qui s’appelle Le rectum.
Mais de belles images ne font pas forcément un film : il manque évidemment – je le clame et le proclame ! – ce qui fait, quelle que soit sa longueur, la qualité d’un film : le rythme. Et La Bible en manque si cruellement qu’on s’ennuie ferme alors que la beauté, la richesse, la puissance, la signification des récits qui la composent devraient permettre d’être constamment transporté sur les flots de la plus belle histoire jamais contée.
J’ajoute que les acteurs connus (Ava Gardner, Stephen Boyd, Peter O’Toole, Eleonora Rossi Drago) ne semblent être là que pour faire des piges et toucher leur cachet, que la version française souffre d’un son épouvantable, à peine audible, mais bénéficie (pour la voix off) du timbre magnifique de François Chaumette.
Et enfin, last but not least que ma petite-fille (de 5 ans) que j’avais appâtée en lui parlant du Paradis terrestre et des animaux de l’Arche s’est presque autant ennuyée que moi. Et il n’est pas contestable qu’un film qui ne parvient à émerveiller ni les jeunes enfants, ni les presque vieillards doit quelque part souffrir d’un grave problème.