Samedi soir au Middle West
Il serait absolument sans intérêt de raconter pourquoi je me trouve en possession (au prix de quelque chose comme 1 €) de ce film d’Elliott Nugent dont la notoriété n’avait jusqu’alors jamais atteint ma longue vie de cinéphage (qui s’en était d’ailleurs fort bien portée jusqu’à hier). Toujours est-il que La brune de mes rêves étant sur mes étagères depuis plusieurs années, je me suis résolu à introduire le DVD dans mon lecteur.
Et que j’en ai été surpris. Non pas vraiment par le film, à l’intrigue un peu trop compliquée, parodie de film noir, construit en un flashback assez banal (un condamné à mort par erreur conte à des journalistes ce qui est vraiment arrivé).
Pas davantage pour les acteurs : Dorothy Lamour, beau brin de fille qui connut un grand succès dans des rôles exotiques (il paraît qu’elle portait le sari avec une remarquable élégance) et passa pour la première à porter, avant l’heure (dès 1938) un bikini à l’écran, s’y montre bien classique et fort peu déshabillée ; mais elle est ravissante. Bob Hope, dont je n’ai pas dû voir grand chose (à part Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille), dont je craignais qu’il ne s’exprimât que par la grimace (comme un mauvais Jack Lemmon) est plutôt intéressant, à l’aise, très professionnel. Il y a quelques comparses notoires, qu’on a plaisir à retrouver : l’inquiétant Peter Lorre, qui interprète – pour changer ! – un cruel tueur (comme dans M le maudit) et qui est aussi inquiétant que dans Arsenic et vieilles dentelles ; et le balourd Lon Chaney Jr, spécialisé dans les rôles de grosse bête du type Créature de Frankenstein. Et j’ai été surpris de retrouver aussi deux authentiques stars, pour des apparitions de quelques secondes : Alan Ladd et Bing Crosby.
C’est là que la chose devient amusante pour des amateurs de cinéma, passionnés par l’histoire du 7ème art et de ses multiples orientations : en fouillant un peu, j’ai appris que le trio Lamour/Hope/Crosby avait tourné une série de sept films loufoques, exotiques et musicaux (Wikipédia) qui les présentaient dans de beaux endroits variés du monde ; c’est ainsi qu’il y eut En route pour Singapour, puis En route pour Zanzibar (puis vers le Maroc, l’Alaska, Rio de Janeiro, Bali…).
Qu’en conclure, sinon que tous ces films, tournés entre 1940 et 1952, qui n’avaient d’autre ambition que d’être le spectacle du samedi soir des bourgades perdues du Nebraska ou du Kentucky sont ceux qui ont été abondamment distribués en France à la suite des tristement fameux accords Blum/Byrnes qui ont contribué à ruiner la créativité du cinéma français et à ouvrir notre pays à la fascination étasunienne. Le robinet à images s’est si largement ouvert que c’est de 1947 que date le record absolu de fréquentation des salles obscures. Ce n’était sûrement pas pour le pire, comme en témoigne l’honnêteté sans aspérité de La brune de mes rêves, mais ça n’avait aucun intérêt.