Le film contient tout à la fois le petit charme et les grands défauts de tous les récits qui se fondent sur des souvenirs personnels mais qui doivent bien compléter leur maigreur narrative par un bout d’intrigue qui se veut malin, voire habile. Le meilleur – l’acceptable et le sympathique en tout cas – est ce qui relate la vie, les habitudes, les coutumes, la vitalité d’un petit monde portugais installé à Paris ; le moins bon – le bien moins bon – est tout ce que le réalisateur Ruben Alves brode autour de son sujet de base pour faire avancer son histoire et ne pas le limiter à une sorte d’exploration documentaire de cette communauté étrangère si solide, travailleuse et soudée.
La situation de base confine au cliché mais ne doit pas être loin de la réalité vécue par le réalisateur : Maria (Rita Blanco) et José Ribeiro (Joaquim De Almeida) sont installés depuis longtemps en France ; des gens exemplaires : elle est la concierge indispensable et toujours disponible d’un superbe immeuble des beaux quartiers, il est le meilleur chef de chantier de l’entreprise de bâtiment dirigée par Francis Caillaud (Roland Giraud). Deux enfants : Paula (Barbara Cabrita), brillante jeune avocate et Pedro (Alex Alves Pereira), encore lycéen. Autour de la famille, Lourdes (Jacqueline Corado), sœur de Maria et son mari parasitique Carlos (Jean-Pierre Martins) ; et aussi l’amie Rosa (Maria Vieira) qui se trouve être la domestique de la famille Caillaux (Roland Giraud, donc, sa femme Solange (Chantal Lauby) et leur grand fils Charles (Lannick Gautry). C’est un peu compliqué mais presque plausible. Il n’y a plus de nos jours ces préventions de classe rigides qui auraient pu entraîner au drame des amoureux issus de conditions sociales très différentes.
Tout ce qui concerne le caractère obstiné et laborieux des immigrés portugais me semble assez bien vu, d’ailleurs sans doute observé directement par le réalisateur enfant et adolescent. Maria et José sont des modèles d’efficacité, de dévouement chacun dans leur domaine, toujours prêts, sans jamais se plaindre, à en faire un peu plus – beaucoup plus – que leur métier le demande. Ce sont l’un et l’autre des perles, taillables et corvéables à merci, dont personne ne s’avise de s’étonner de la disponibilité. Disponibilité qui fait partie du tableau à un point tel qu’elle est tenue pour naturelle et indiscutable.
Premier caillou dans la chaussure, l’annonce d’un héritage portugais qui ne pourra aboutir que si le couple Ribeiro repart vivre du côté de Porto et s’y établit durablement. À cette nouvelle – d’abord tue puis vite devenue secret de Polichinelle – tout le monde prend conscience des catastrophes que le départ des époux va entraîner pour son propre confort. Chacun donc met tout en œuvre pour que Maria et José demeurent dans leur patrie d’adoption et renoncent à leur héritage. Le conseil syndical de l’immeuble décide miraculeusement d’agrandir la loge, ce qu’il avait refusé durant des années et le chef de chantier exemplaire reçoit une belle augmentation.
C’est à partir de là que ce gentil petit film commence à s’envoler sur les ailes de la bêtise. Ou plutôt que le réalisateur, ayant sans doute épuisé toute la nomenclature de ses souvenirs, est bien obligé d’inventer toute une série de quiproquos et de hasards et tente d’emballer le rythme du film pour lui donner quelques éléments aventureux. Mais comme on demeure dans l’habituel cinéma français plon-plon, ça se termine bien sur les beaux paysages des vignes en terrasse de Porto.
Un peu comme Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay, avec Fabrice Luchini, qui évoque la coexistence dans le même immeuble bourgeois des propriétaires opulents et de leurs bonnes espagnoles, La cage dorée commence sur une bonne idée, un peu plus originale que la plupart des films ronronnants, mais s’essouffle vite, patauge et s’enlise…