La routinière horlogerie de Japrisot
Je n’adhère pas toujours aux histoires de Japrisot, trop compliquées, trop – si je puis dire – « horlogères » (tout s’y révèle à la fin, les pièces du puzzle entrent toutes avec précision dans le récit) ce qui me paraît un trait assez puérilement américain (il faut tout expliquer jusqu’au dernier cil tombé de l’oeil de l’héroïne) qui me fait bailler d’ennui à la longue…Je préfèrerai toujours l’incertitude ambiguë des films de David Lynch, leur non-dits, leurs personnages qui se perdent et s’évanouissent sans qu’on, en sache la raison…
Donc, l’huile qui ruisselle dans les horloges de Japrisot m’a un peu gâché Un long dimanche de fiançailles et, jadis L’été meurtrier.
Mais comme, là, Japrisot tombe sur Clément, qui est, il me semble d’une autre dimension que Jean-Pierre Jeunet ou Jean Becker, je me laisserai volontiers faire…comme je me suis agréablement laissé faire par Le passager de la pluie
D’ailleurs j’aime Boileau et Narcejac ! Je tiens Les diaboliques ou Les yeux sans visage pour de purs chefs-d’œuvre ! Mais s’il y a là une précision clinique, elle s’appuie à mes yeux davantage sur une étude de caractères que sur un enchaînement d’événements. Dans Japrisot, j’ai toujours l’impression qu’au moment nécessaire, et à ce moment-là seulement, ni avant, ni après, a lieu une rencontre, une découverte, un artifice qui dévoile et révèle…
Le procédé n’est pas forcément à blâmer : c’est celui des grands feuilletonistes des 19 et 20èmes siècles et je suis un fan absolu d’Eugène Sue (je défie quiconque d’ouvrir Le Juif errant et de le refermer sans le terminer), de Maurice Leblanc ou de l’immense Gaston Leroux (connaissez-vous le terrifiant La double vie de Théophraste Longuet ?); disons que je trouve que chez Japrisot, c’est un peu froid : la précision est plus mathématique que psychologique…
Mais je n’en dis pas de mal ! Mieux vaut Japrisot que Robbe-Grillet !!!
Après visionnage, hier, de La course du lièvre, mes réticences demeurent solides ! Je trouve que le scénario est très inférieur à ce à quoi Japrisot nous avait habitués ! C’est même d’une totale invraisemblance, y compris, et surtout peut-être, les réminiscences enfantines.
Ce n’est pas seulement le dialogue, qui est invraisemblable, mais aussi la psychologie des personnages…et je ne suis pas du tout d’accord avec ceux qui qualifieraient le personnage joué par Trintignant de « frenchie tout ce qu’il y a de banal » : si tel était le cas, en sus de sa détermination immédiate, de son sens de la fuite (si je puis dire) qu’il exerce aussi bien au début, avec les Gitans qu’avec Paul, qu’il précipite de la décapotable, qu’on m’explique pourquoi il se retrouve si à l’aise avec toute la bande… Franchement, c’est faux à hurler, comme paraissent fausses les histoires d’amour avec Léa Massari ou et Tisa Farrow, les Gitans qui campent plusieurs jours sur le pont en jouant du pipeau, l’invraisemblable histoire de la majorette, le hold-up et sa suite (l’exécution des gangsters)…
Cela dit, il y a tout de même des scènes intéressantes, une belle distribution, Trintignant est parfait, les filles sont belles, et les paysages sont séduisants. Mais une large demi-heure de moins et un scénario moins bêta auraient été préférables