La cuisine au beurre

Affiche la cuisine

N’a pas le niveau.

Dieu sait si je puis être bon public lorsque le cinéma me propose un retour sur les années enfuies, sur de merveilleux Fernandel et Bourvil entourés d’une belle compagnie de seconds rôles tous aussi sympathiques les uns que les autres et sur la beauté de Martigues, trop rarement filmée à part dans Toni de Jean Renoir et Dieu vomit les tièdes de Robert Guédiguian.

Dieu sait. Mais il y a une limite. Et sans revenir sur l’agressivité méprisante de Fernandel vis-à-vis de Bourvil et le déséquilibre consécutif qui s’est ensuivi dans La cuisine au beurre, qui aurait du laisser la balance égale entre les deux grands acteurs, je suis bien amené à avouer que je me suis copieusement enquiquiné en voyant (ou revoyant, sûrement, sans doute : c’est le genre de films qui est passé cent fois à la télévision) La cuisine au beurre dont le succès public me décontenance.

r6xd63s1_n2l0owSans doute le scénario n’est-il pas privé d’inventivité et même d’une certaine ambiguïté, tous les hommes et toutes les femmes, séparés par les circonstances – c’est-à-dire par les aléas de la guerre – de leurs routines conjugales se retrouvant bien plus à l’aise dans leurs nouveaux couples qu’ils ne l’étaient auparavant. Il y avait là quelque chose d’assez grinçant à tourner et un Autant-Lara de la bonne époque aurait sûrement pu réaliser quelque chose de sarcastique et de sombre à souhait. Il y a un assez bon film à sketches, qui s’appelle Retour à la vie, avec des histoires tournées par André Cayatte, Georges Lampin, Henri-Georges Clouzot et Jean Dréville qui ouvrait quelques pistes intéressantes à défricher.

Gilles Grangier frôle quelquefois ce qui aurait pu être le vrai et sarcastique sujet du film mais de façon si molle, si estompée que le bon public reste ancré dans la conviction que tout cela n’est que galéjade… Enfin, quand je dis Grangier !!… C’est toute l’équipe – scénariste, dialoguiste, metteur en scène – qui a dû recevoir du producteur la mission de ne pas aller trop loin. Tout ce petit monde mise son avoir sur le contraste bien pâle de deux hommes censés incarner deux visages différents de notre pays, deux cuisines différentes, deux façons de voir les choses et se contente de ça.

h-20-1380803-1231519911D’ailleurs je crains que même si Bourvil avait pu tenir la dragée haute à Fernandel, la balance n’eût pas été égale : qu’on le veuille ou non, le Midi, la Provence, l’accent, la pétanque et l’aïoli ont trop de longueurs d’avance dans l’imaginaire collectif et toute la crème de Normandie ne suffirait pas à créer une opposition d’assez grand poids. Car la seule fantasmatique qui puisse faire pièce à celle de la Provence, c’est celle de Paris, évidemment, Paris contre la province et Marseille contre Paris : ce qui marche au football marche ailleurs. Mais Rouen, Caen, Pont-Audemer, Lisieux ou Alençon, ça n’est pas sérieux. Ou ça l’est trop, ce qui revient au même.

Si l’on peut avoir une certaine forme de nostalgie pour les vedettes, les acteurs de second rang, le Noir et Blanc, le côté Zou, le midi bouge !, on est finalement bien obligé de se dire que La cuisine au beurre aurait pu, ou serait, aujourd’hui un téléfilm totalement artificiel, fabriqué sur la base des sujets de société dont nos oreilles sont rebattues. Un peu minable, pour deux grands acteurs…

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