Trois étoiles dans un ciel vide !
Qui attend de La Danseuse des Folies Ziegfeld, comme c’était mon cas, un monument de numéros chantés et dansés, une sorte d’énorme gâteau délicieux et écœurant à la chantilly, ou, plutôt, un assemblage d’immenses machineries d’escaliers en volutes, de blondinettes superbes à niais sourires, de paillettes, de strass, de tulles vaporeux, de plumes d’autruche, de bellâtres à voix miellée n’en aura pas son content. Malgré quelques numéros de facture acceptable, le film n’est pas un de ces musicals qui ont fait la gloire du Broadway des années folles, mais un mélodrame assez longuet sur le sort de trois des danseuses embauchées le même jour par le grand Florenz Ziegfeld, empereur des nuits de New-York, dont la carrière et l’accession au succès étaient contés avec un certain brio dans le film de 1936 The Great Ziegfeld.
En 1941, peut-être parce que c’est la montée des périls et que l’Amérique étasunienne voit bien qu’elle ne pourra échapper à ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, peut-être parce que c’est la sortie de la crise, et bien que le réalisateur soit le même Robert Z. Leonard, c’est assez mièvre et assez convenu, bien que nombre des dialogues du début du film soient spirituels, quelquefois à la limite du graveleux ; mais au fur et à mesure que le récit se déroule, on entre dans de vertueux sentiments où la mauvaise fille, sensible à l’argent facile, est durement châtiée et entraîne son honnête amoureux dans sa déchéance, où l’épouse modèle, malgré un flirt qui semble n’être pas allé trop loin, revient à son talentueux mari, et où la future grande vedette rencontre un succès éclatant, tout en voyant reconnu le talent de son vieux père, enfant de la balle qui lui a donné le goût et le sens du spectacle.
Ces trois danseuses de la troupe de Ziegfeld sont trois magnifiques actrices et c’est là que réside le principal, et, à dire vrai, le seul intérêt du film ; la fille fragile et avide qui se perdra et perdra son amoureux (James Stewart, trop mièvre pour retenir une seconde l’attention), c’est Lana Turner, qui eut, de fait, une drôle de vie, déséquilibrée, hachée, torrentueuse. L’épouse tentée un instant par les paillettes et la vie facile, mais qui se sort de la tentation grâce à l’amour sincère qu’elle éprouve pour son mari, c’est Hedy Lamarr, vraiment extrêmement belle, au magnétisme physique rare, mais dont la vie réelle fut une collection nymphomaniaque assez remarquable ; et la star dont le talent va s’imposer, c’est Judy Garland, dont l’abattage est éclatant.
Trois stars dont la présence justifie seulement ma pourtant toute petite note ; sans quoi, ce ne sont pas les vues d’un Broadway tout illuminée de lumières, ni la musique et les lyrics assez faiblards qui auraient sauvé le film d’un zéro pointé…