Le bonheur dans le crime
Le bonheur dans le crime, c’est une des nouvelles du recueil Les Diaboliques, de Barbey d’Aurevilly (nouvelle qui donna lieu, en 1961, sous le titre Hauteclaire, à une remarquable adaptation télévisée de Jean Prat avec Mireille Darc).
Mais Le bonheur dans le crime, c’est aussi l’exacte caractérisation de ce film de Chabrol, peut-être son meilleur, avec Le boucher ; son meilleur, parce qu’il n’y a pas, pour une fois, de pamphlet anti-bourgeois, toujours tellement convenu, complaisant et répétitif, mais exactement une épure, certes située dans la grande bourgeoisie, mais qui pourrait tout autant se dérouler dans d’autres milieux sociaux.
Et le bonheur dans le crime, aussi, parce que c’est un film parfaitement immoral, où la routine confortable d’un mariage tranquille, trop tranquille, est, par la force des choses, la logique interne des comportements, sensuellement fouettée par l’aventure d’Hélène (admirable, superbe Stéphane Audran), dans quoi elle s’est lancée tout autant par ennui, que pour éveiller la tranquille assurance de son mari, Charles Desvallées (Michel Bouquet).
Ces deux-là s’aiment profondément, et l’amant, Victor Pégala (Maurice Ronet), n’est qu’un jeu, un brimborion entre eux, un objet qui est instrumentalisé très vite parce qu’il n’y a aucune place pour lui dans la partie. Hélène prête son corps, bien sûr, mais pour mieux reprendre Charles, même si tout cela est inconscient… et sait, d’évidence, que son amant n’arrive pas à la cheville de son mari, ne le vaut en rien, n’a d’intérêt que pour le peu d’originalité dans le radada qu’il lui donne…
La dernière image, où les deux inspecteurs de police (dont le jeune Michel Duchaussoy) réapparaissent et vont à nouveau interroger Charles est ambiguë : il n’est pas dit que des preuves vont confondre Charles et le conduire en prison : il paraît suffisamment fort, et méticuleux pour avoir effacé toute trace ; en tout cas, dans le regard échangé par les deux époux, il y a toute la violence d’un amour complice…
Claude Chabrol filme cette histoire éternelle avec un très grand talent, une très grande évidence dans le déroulement du récit : parfaite caractérisation des personnages, appui sur des acteurs d’exception, capacité à saisir l’esprit de l’époque… Comme c’est curieux qu’il soit si inégal…