La fille de Jack l’éventreur

… Manque beaucoup d’audace.

La Hammer au début des années 70, engagée sur la pente irrésistible du déclin, avait encore quelques beaux restes et, en tout cas, n’hésitait pas à mettre les moyens financiers pour proposer aux amateurs des films tournés dans de beaux décors, des acteurs bien costumés et une atmosphère fin de siècle très convaincante. Elle essayait aussi, ici et là, de mettre un peu davantage de crudité dans l’érotisme, montrant quelques seins nus et faisant miroiter quelques perversions, mais elle n’osait tout de même pas choisir délibérément de passer à une étape nouvelle dans ce domaine. Pourtant la nudité, le sexe explicite, les cingleries charnelles allaient se payer un assez joli succès dans la décennie qui venait.

jacktheripper8802Cette pusillanimité bien britannique – tant à faire et puisque la compagnie déclinait, elle aurait pu mettre le paquet sur l’excès et l’outrance – est très sensible dans La fille de Jack l’éventreur. Le scénario n’est pas plus idiot qu’un autre : Anna (Angharad Rees, à l’œil tout de même assez vide et bovin) a assisté, alors qu’elle était toute gamine, à l’assassinat de sa mère par son monstre de père. Abandonnée, recueillie d’abord par une vieille maquerelle spirite, Mrs Golding (Dora Bryan) puis par le docteur Pritchard (Éric Porter) qui souhaite tester sur elle ses convictions freudiennes, elle est trop engluée sans ses traumas d’enfance pour pouvoir en sortir. Et donc, régulièrement et dès que certaines conditions se reproduisent, elle assassine abominablement, à l’instar de son père, celui ou celle qui se trouve à ce moment sur son chemin.

Il y avait là de quoi faire largement plaisir aux amateurs. La fracture entre les taudis désolés de l‘East end londonien de 1890 et les demeures bourgeoises opulentes et surchargées de végétations exotiques où les fariboles spirites recueillent de grands succès, le clivage entre la saleté primaire des pauvres et la vertueuse saleté des riches peut donner de subtils et intéressants contrastes : c’est le meilleur de Elephant man, par exemple. Mais Peter Sasdy, le réalisateur de La fille de Jack l’éventreur n’exploite pas ce joli filon. Et pas davantage la folie furieuse de Jack père qui ne se contentait pas de zigouiller ses pauvres victimes mais les éviscérait, les mutilait sexuellement, partait, si je puis dire, dans des dimensions oniriques un peu attractives.

2634-la-fille-de-jack-l-eventreurLa fille de Jack l’éventreur est d’une trop grande prévisibilité ; alors qu’un des personnages principaux, Laura (Jane Merrow), fiancée du fils insignifiant du Dr. Pritchard se trouve être aveugle, cette infirmité est à peine mise en valeur, qui aurait pu, de surcroît, donner un élément d’ambiguë séduction entre les deux jeunes femmes.

Pusillanimité, oui, c’est bien ça : un scénario qui aurait pu donner quelque chose et qui est d’une banalité extraordinaire ; on espère, in fine que ça se terminera mal, sur le beau pavage de la cathédrale Saint Paul : mais non ! happy end banal…

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