La fille du puisatier

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Encore une fille perdue !

Je me demande souvent, de ce grand classique passé si souvent à la télévision, où Raimu est absolument étourdissant et évince sans grande difficulté un Fernandel pourtant excellent du haut du pavé, je me demande donc ce que les générations nées après 68 peuvent retenir, ou même comprendre, hors le dialogue si pétillant d’esprit et les morceaux de bravoure.

Car la fille du puisatier, c’est avant tout une fille qui a fauté et qui se retrouve, sans s’en être presque rendu compte, nantie d’un bébé qui n’est qu’un bâtard ; et comme, par une suite de difficultés, de vilenies, d’hypocrisies, mais aussi et surtout de malchances (on est à la veille de la déclaration de guerre) le père de l’enfant ne sait pas sa bonne fortune et ne peut se manifester, malgré ou à cause de l’immense amour qu’il lui porte, le père de la malheureuse la chasse de chez lui et ne veut plus savoir qu’elle existe.

Dit comme cela, c’est évidemment une tragédie qui indigne les modernes enfants de la liberté sexuelle et de la société de consommation : c’est incompréhensible et cruel. Et pourtant ça n’est pas si ancien, ça rend un son absolument véridique, et c’est tout de même tout le ressort dramatique.

Qu’on songe d’ailleurs combien la notion de « fille perdue » est au cœur de l’œuvre de Pagnol, de la Trilogie de Marius à cette Fille, en passant par Regain – car Arsule est aussi une pauvre victime des hommes – et par Angèle.

Naturellement dans la Trilogie, Fanny trouve un arrangement acceptable avec Panisse ; mais là nous sommes à Marseille où les moeurs sont plus libres et les consciences plus élastiques que dans la campagne provençale, où rien n’a changé depuis la Grèce et où les patriarches ont presque droit de vie et de mort…

C’est donc là un film grave, dur à vivre pendant presque toute sa durée – et le happy end final paraît un peu artificiel ; quel dommage que Pagnol doté de si éclatants talents n’ait pas eu celui de se choisir des compagnes ou épouses de la même eau ! car après l’exaspérante Orane Demazis et avant la niaise (mais si belle !) Jacqueline Pagnol, il y a là une Josette Day souple et ductile comme un santon de plâtre, qui a bien dû faire rigoler les monstres sacrés, Raimu, Fernandel, Charpin, et même Line Noro, excellente en mère amoureuse de son garçon et en bourgeoise avilissante, quelques années seulement après avoir été l’amante arabe de Jean Gabin prisonnier de la Casbah, dans Pépé le Moko, abandonnée pour Gaby (Mireille Balin)…

On aura compris que, malgré mes interrogations sur la compréhension de la dureté du film je recommande chaleureusement La fille du puisatier présentée dans une bonne édition (un son critiquable, il est vrai, par moments) de la Compagnie Méditerranéenne des films qui édite pieusement et onéreusement Pagnol.

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