J’étais à deux doigts d’écrire que ce film de 1995 réalisé par Benoît Jacquot, sans être déplaisant, ne valait pas grand chose. Ou plutôt ne valait que par la présence continue à l’écran, pendant 86 minutes du très joli minois de Valérie,(Virginie Ledoyen), jeune soubrette d’un grand hôtel parisien (le Concorde Saint-Lazare), qui vient de se découvrir enceinte des œuvres de son petit ami Rémi (Benoît Magimel) et ne sait pas trop ce qu’elle va faire de ce petit bout d’homme qui pousse en elle depuis quatre semaines. Tout le film – à l’exception notable de sa conclusion – se passe en temps réel mais porte cette interrogation grave.
Et donc pratiquement toutes les séquences font pénétrer, de façon assez documentaire, dans les coulisses d’un grand hôtel, très massif, doté de 4 étoiles, de près de 300 chambres et suites et d’un personnel très spécialisé. Ce n’est pas un Palace comme le Ritz (71 chambres, 71 suites) ou le Plaza Athénée (154 chambres, 54 suites) ; ça s’apparente plutôt à l‘Intercontinental Opéra (470 chambres). Une sorte d’usine très confortable mais très anonyme. C’est la première journée de travail de Valérie, affectée au service d’étage. Elle a déjà une petite expérience de cette fonction particulière, dans un autre hôtel du même type, quelques mois auparavant ; elle est partie de sa propre initiative et on devine bien qu’elle n’a pas supporté les relations tendues au sein du personnel et tout autant les propositions salaces des clients.
Car, comme le lui dit, lors de la signature de son contrat, Mme Charles (Guillemette Grobon), la directrice des ressources humaines de l’établissement, il est plutôt embêtant qu’elle soit si jolie, dans cette fonction où elle sera tout le temps en contact avec des mains potentiellement baladeuses et des propositions qui peuvent être financièrement attractives.
J’y reviens : il y a un aspect documentaire qui m’a paru très réaliste sur le fonctionnement d’un grand hôtel. Les kilomètres de sous-sols et l’entrecroisement des personnels de ménage, les immenses chariots où s’entasse le linge sale, draps et serviettes ; et sous l’autorité de M. Sarre (Aladin Reibel), le bourdonnement du room service, dirigé par M. Tranh (Thang-Long). Oriental impassible et impérieux dont le téléphone sonne sans arrêt, il communique les commandes des clients au personnel chargé de porter dans les chambres les plateaux de petit déjeuner : une sorte de ronde bien huilée où l’on jongle avec le café, le thé, les viennoiseries et tout ce que les voyageurs peuvent bien demander. Petit monde du service d’étage, mixte et affairé qui accueille la nouvelle employée sans émoi particulier ; avec le sourire comme Fatiah (Virginie Emane) ou le blagueur et sympathique Patrice (Jean-Chrétien Sibertin-Blanc), avec une réserve hostile comme Sabine (Véra Briole) ou avec l’intention de faire passer la nouvelle joli petite alouette à la casserole, comme le graveleux Jean-Marc (Michel Bompoil).
Porter des plateaux – ou pousser un chariot, lorsque les clients occupent une suite – c’est arpenter à vive allure des couloirs sans charme et tous semblables ; mais surtout entrer dans l’intimité des chambres sans trop savoir ce qu’on y va trouver. On tombe sur un brave couple d’Italiens un peu endormis, ou un homme âgé (Jean-Claude Frissung) qui a simplement envie de confier un peu de ses malheurs… ou encore un couple vulgaire, désagréable, ordurier dont la femme (Catherine Guittoneau) exige que Valérie lui apporte des œufs sur le plat… et quand la soubrette revient, elle trouve le couple en plein radada et se fait accuser par l’hystérique d’être allée dégueuler dans les toilettes… Multiplicité d’anecdotes, de petits faits vrais…
Finalement, malgré la répétitivité des situations, on s’attache au petit monde mis sous nos yeux. Le joli visage de Virginie Ledoyen, sa mine soucieuse, inquiète, préoccupée, filmée en fréquents gros plans, voilà une réussite du film.
On suit moins Benoît Jacquot) quand il présente la rupture de Valérie/Ledoyen et de Rémi/Magimel, rupture imposée par Valérie qui a peur que leur amour s’arrête… Voire…
Ellipse ; nous voilà trois ans plus tard. La fin est assez jolie. Pourquoi la raconterais-je ?