La fin du monde

Tout doit disparaître.

Adapté d’une bande dessinée catastrophiste et sûrement très bien-pensante, La fin du monde, film allemand ne devait pas manquer de passer sur la vertueuse chaîne Arte, qui ne manque jamais de faire les gros yeux au monde tel quel l’Occident l’a civilisé depuis quelques milliers d’années. Donc tout va mal et tout ira tellement plus mal que l’aventure humaine sera bien obligée de s’interrompre pour que continue à vivre la ronde Gaïa ; pour les ceusses qui ne sauraient pas ce qu’est Gaïa, je précise que ce terme grec est utilisé de façon presque religieuse par les écologistes les plus radicaux, ceux qui verraient fort bien l’Humanité débarrasser le plancher au bénéfice du sapajou facétieux et du scolopendre à crête dorée.

Bon, voilà ; le film est une évidente parabole sur la nocivité humaine qui ne peut entraîner que des catastrophes. À un moment donné, notre mère la Terre (Gaïa, donc) s’est révoltée et en a eu marre ; elle a suscité une terrible épidémie fulgurante et inguérissable qui a transformé tout le monde en zombies à mâchoires dévorantes, agressifs comme des pitbulls élevés à la trique dans une cave de Seine Saint-Denis. Il se trouve – on ne sait pourquoi, mais on s’en fiche complétement – que deux villes allemandes ont pu se préserver de la contagion dévorante. Weimar, où l’on tue sans aucun état d’âme tous les contaminés et Iéna où, paraît-il, on a entrepris des recherches scientifiques approfondies sur la nature de la maladie et sur les remèdes qu’on pourrait lui apporter.

Il n’y a qu’une vingtaine de kilomètres entre les deux villes que relie un train de marchandises automatique (sans conducteur ni quelconque passager). On se demande bien ce que les deux villes peuvent bien échanger mais on veut bien marcher dans le récit : après tout le cinéma est l’art de l’émerveillement. Il se trouve donc que Vivi (Gro Swantje Kohlhof) dépressive et internée dans une maison spécialisée et et Eva (Maja Lehrer) se retrouvent fortuitement, sœurs d’infortune, dans la même galère. Vivi porte sur sa frêle personne le souvenir brûlant de sa petite sœur Renata (Amy Schuk) qu’elle a laissé contaminer par les zombis. Éva ne semble pas avoir eu de vie antérieure.

Et voilà, on passe 80 minutes à regarder comment les deux filles parviennent d’abord à échapper aux zombies, puis en en être rattrapés. On voit bien que la réalisatrice Carolina Hellsgard) veut mettre le nez des méchants mâles occidentaux dans leur caca : le film part dans tous les sens, se fluidifie, s’évapore sans qu’on puisse lui trouver la moindre ligne directrice : on est vraiment dans une sorte de fable, mais, sans qu’il y ait récit, on se demande bien ce sur vers quoi on va. Ça n’avance guère et on commence à s’ennuyer beaucoup.

De temps en temps – mais trop rarement pour que l’honnête amateur en soit satisfait – il y a une brutale irruption de monstres sanguinaires qui tentent d’arracher avec des dents aiguës, un morceau de chair consommable. De temps en temps la réalisatrice se rappelle qu’elle se doit de montrer que l’Homme est une véritable catastrophe et que, s’il n’était pas là, les papillons, les scarabées, les grenouilles pourraient retrouver leur droit de vivre. Et que, dans la pureté recouvrée, on pourrait à nouveau voir toutes les étoiles.

À la fin, la parabole est de plus en plus lourde. À l’imitation d’un être étrange qui se fait appeler La jardinière (Trine Dyrholm) les deux amies deviennent des plantes. Ou plutôt des êtres bizarres, à demi végétaux. C’est notre destin, semble dire le film, la fusion avec la nature. Et on est prié d’applaudir la démonstration.

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