Très joli.
C’est bien curieux qu’après avoir tourné Délivrance où il montre à la fois l’indifférence absolue de la nature vis-à-vis de l’homme et la férocité latente de l’homme pour l’homme, c’est bien curieux que John Boorman ait réalisé cette singulière Forêt d’émeraude qui m’a semblé tomber dans le prêchi-prêcha écologiste le plus niais. Dans les moments les plus doux et les plus rieurs on se croirait dans une publicité dans une publicité pour Tahiti douche (vous savez, ces images roublardes où de ravissantes jeunes femmes à jolies poitrines se trémoussent sous des cascades ruisselantes ou des pluies tropicales). Les Indiens de la forêt d’Amazonie semblent passer leur temps à se faire des niches, à s’envoyer mutuellement dans les narines des substances hallucinogènes, à chasser des bestioles comestibles et à se frotter le corps de substances verdâtres.
Enfin… ceux de cette tribu, qui se baptise du nom d‘Invisibles et qui se tient soigneusement à l’écart du maléfique homme blanc. Et c’est le chef de cette même tribu qui, au tout début du film, s’est emparé, sur une lubie, de Tomee (Charley Boorman) fils d’un ingénieur, Bill Markham (Powers Boothe), chargé de la construction d’un grand barrage. Qui a, naturellement, tenté pendant dix ans de récupérer son fils. Lors d’une de ses recherches, poursuivi par une bande de sauvages nommée Les féroces (et qui, comme par hasard, copine avec les méchants blancs), il retrouve, par un hasard miraculeux, son fils et les deux hommes se reconnaissent.
Les Féroces (corrompus par les méchants blancs) font une razzia sur la tribu des Invisibles, massacrent les vieux et les vieilles et capturent les petites jeunes dont ils font de la chair à bordel. Un coup de main hardi des gentils, appuyés par l’ingénieur Bill, permet de libérer les gazelles. Et tout se termine d’autant mieux que Bill, qui a saisi que la vie de son fils est dans la forêt et dans son mode de vie traditionnel, fait sauter le barrage qu’il avait construit (c’est amusant, parce que, dans Délivrance, la bande de drilles descendait la rivière avant qu’elle ne fût submergée par un aménagement hydraulique). Les Invisibles vont donc pouvoir survivre dans l’heureux état de nature qui s’apparente au Paradis terrestre que ce sacripant de Jean-Jacques Rousseau imaginait comme l’âge le plus idéal de l’Humanité.
J’ai été stupéfait que ce scénario, qui m’a paru d’une complète invraisemblance, ait, paraît-il, été tiré d’une histoire vraie que Boorman a seulement adaptée. Ça m’a semblé pas désagréable du tout, quelques séquences sont assez haletantes (sans atteindre, tout de même les fulgurances de l’admirable Apocalypto) et la verdure omniprésente de l’Amazonie est bien photogénique. Cela dit le film se termine sur de graves cartons pédagogiques expliquant que la destruction de la forêt est une catastrophe écologique. Je veux bien, mais il faut tout de même que les hommes mangent… et avant d’avoir détruit cet océan vert, il y a de la marge.