La plus belle soirée de ma vie

Surprenant ; inabouti.

J’ai été très surpris, presque décontenancé par cette Plus belle soirée de ma vie dont j’avais entendu, ici et là, chanter merveilles et qui me laisse la curieuse impression d’un film inabouti, parcellaire et mal satisfaisant. Je crois que ce petit mystère est très explicable par la disparition brutale de Pierre Brasseur en cours de tournage, qui a en grande partie déséquilibré le récit et a contraint Ettore Scola à des choix périlleux, hasardeux mais, naturellement obligés… Mais à quoi bon essayer d’imaginer comment aurait pu être le film ? Il y a tant et tant d’impondérables au cinéma…

J’aime beaucoup le long début et la brève conclusion du film, beaucoup moins toute la partie centrale, le procès à la fois bouffon et angoissant qui m’a semblé bien verbeux, assez lent et sans rythme ; ce n’est évidemment pas la faute des acteurs, tous impeccables, y compris la charmante vénéneuse Simonetta (Janet Âgren), mais davantage de la théâtralité mal dissimulée, naturellement issue de la nouvelle de Dürrenmatt, qui est avant tout un dramaturge, macabre, cynique et provocateur.

Rétrospectivement, je me suis amusé à rapprocher La plus belle soirée de ma vie avec quelques films très différents, qui n’ont d’autres rapports que d’être venus à un moment donné dans mon esprit. J’ai vite écarté, dans les images d’embouteillage initiales, le souvenir très fluet du Week-end de Godard et dans celles de la prospérité suisse, celui, plus proche et plus agréable de Jeu de massacre.

En revanche, dans la captation/fascination d’Alfredo Rossi (Alberto Sordi) entraîné au château par la séduction d’une belle motarde, j’ai retrouvé l’esprit de la sanguinolente série Hostel où des types sont attirés dans une sorte d’abattoir par de jolies filles mystérieuses et peu farouches… Quant à la charrette qui survient providentiellement pour emmener au château le voyageur égaré, charrette conduite par un cocher muet, je doute qu’on puisse n’y pas voir une allusion à un des multiples Dracula de la Hammer. Enfin, dans l’exquise urbanité – purement superficielle – des quatre justiciers et la distance qu’ils prennent avec leur potentielle victime, j’ai comme perçu l’écho de Salo, dont les quatre protagonistes monstrueux sont – quel hasard ! – Le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président. Et on pourrait même trouver, dans la révélation des faux-semblants qui sont révélés au pauvre Rossi, lorsqu’il quitte le château, quelques analogies avec les troublantes impostures du Prisonnier de Patrick McGoohan.

Le film dure 1h48 et il paraît que Scola, avant la mort inopinée de Pierre Brasseur prévoyait 2H20. J’ignore où et quand cette demi-heure aurait trouvé place et quel(s) moment(s) auraient été densifiés. Toujours est-il que, telle qu’elle est, La plus belle soirée de ma vie me semble tout autant artificielle que fascinante.



								
				

			

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