La plus grande histoire jamais contée

Lumière du monde.

Il y a tout, dans cette grande machinerie hollywoodienne, très bien faite et très bien composée: des moyens énormes, des figurants en nombre considérable, des décors admirablement choisis et presque l’exhaustivité des épisodes de l’Écriture. À tout moment un chrétien un peu frotté aux quatre évangiles entend, scrupuleusement retranscrites, les paroles qu’il connaît et qui font le sel de sa vie. Y’a pas à dire, il ne manque pas grand chose à George Stevens pour avoir embrassé la retranscription de l’enseignement du Christ et, à chaque instant, on se surprend à compléter soi-même les merveilles de beauté énoncées par Jésus.

C’est vrai, c’est bien fait, très bien fait et il y a des moments de grâce qui présentent des sites, des paysages, des vastes perspectives qui émerveillent. Montagnes arides, déserts profonds, ciels magnifiques, nuages inspirés. Je pourrais sans doute dire que c’est là ce qu’il y a de meilleur dans La plus grande histoire jamais contée ; et presque ajouter que cette histoire-là, qui est à la racine de notre civilisation, n’aurait pu exister ailleurs que dans cette portion du monde. L’imaginerait-on dans les brumes de la Scandinavie ou même dans les terres tendres de notre France ? Il faut, pour retracer le parcours du Christ, des contrées à la fois douces et dures, aux soleils fatidiques et à la brutalité marmoréenne. Cela étant, les scènes ont été tournées dans l’Utah, mais c’est pareil (ou presque).

La plus grande histoire jamais contée n’est naturellement pas la première ni la seule tentative de mettre à l’écran la vie de Jésus de Nazareth ; c’est sans doute celle qui a été le mieux dotée de moyens techniques : c’est vraiment très bien fait : il y a du monde, des paysages sublimes, des décors et des costumes sur quoi on n’a pas ménagé. En plus, on suit pas à pas ce que l’on sait de la vie de cet étrange personnage qui, venant de Nazareth, tout au nord du territoire hébreux, né à Bethléem, tout au sud, ne se révèlera qu’à la trentaine pour, en trois ans, fasciner des milliers et des milliers de disciples et plus tard, par son enseignement, bousculer le visage du monde.

Mais précisément le film de George Stevens, réalisateur compétent de grosses maçonneries étasuniennes, ne fait que réunir, dans une copie très léchée, très académique, la superficie de cette histoire fascinante : on suit, dans une durée bien trop longue (3h11, pour la version que j’ai regardée) un par un les épisodes que tous les petits enfants de France de jadis connaissaient bien. La distribution n’est pas très marquante, au demeurant.

C’est d’ailleurs très scolaire, sans envol et sans finesse. Certes, il ne manque rien, ou très peu; et on se demande pourquoi le réalisateur a fait l’impasse sur certains épisodes importants : par exemple le lavement des pieds des disciples pendant la Cène ou le lavement des mains de Pilate (Telly Savalas) qui voyant qu’il ne peut plus rien faire pour sauver Jésus de la horde haineuse qui veut sa peau, baisse les bras et laisse la Passion se dérouler.

Un film de plus de trois heures. Le début en est meilleur que la fin : sites magnifiques donc, photographie inspirée, allégresse de la réalisation. Après l’entracte et l’entrée à Jérusalem sous l’acclamation des Rameaux, voilà que ça se gâte : ça lambine, ça traîne, ça propose des images un peu ridicules : celles de la crucifixion, sous des ciels théâtralement morbides, celles de la Résurrection, bizarrement partagées en jaune et bleu. Le film, à ce moment-là, souffre gravement de la comparaison avec la brutale et magnifique Passion du Christ de Mel Gibson qui est d’une toute autre qualité.

Ce n’est pas du tout facile de réaliser la plus grande histoire que le monde ait connu ; on peut en recueillir des bribes, par exemples tous les péplums qui, de Quo vadis ? de Mervyn LeRoy à Barabbas de Richard Fleischer décrivent la naissance de l’Église ; ou, comme dans L’Évangile selon Saint Matthieu de Pasolini choisissent de transcrire sèchement un des quatre récits. Mais comme dans Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli, il manque du souffle, de la puissance.

De la ferveur. Et de la Foi, évidemment. Ce n’est pas donné à tout le monde.

 

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