Navrant, désolant, accablant…
Hélas, navrant, désolant, accablant et mon 0, s’il le pouvait serait encore plus sévère et se situerait largement au dessous de l’absolu !
Il faut bien dire, aussi, que je ne me faisais aucune illusion : depuis la sortie du film, il y a huit jours, je n’ai pas lu un seul mot, dans une seule critique qui défende, justifie, excuse ce monument d’inanité. Pas un mot dans pas une critique alors qu’on sait bien que les attachés de presse ont du talent pour obtenir des journaux que deux lignes, une expression, un adjectif, détachés de leur contexte, puissent permettre d’attirer le gogo.
Je suis allé voir, donc, La possibilité d’une île en toute connaissance de cause et j’ai assisté, dès les premières séquences à l’immédiate survenue d’un naufrage certain.
Pourquoi y être allé, alors, pourquoi avoir rejoint les cinq (5 !) autres spectateurs d’une assez grande salle du Quartier Latin ? Pas simplement par pur masochisme ! Sûrement par fidélité à un Michel Houellebecq que je tiens pour le meilleur et implacable observateur de la société occidentale épuisée, détruite par les valeurs de Mai 68 et touchée à mort par le libertarisme sans borne et l’individualisme débridé. D’ailleurs deux de ses précédents romans, Extension du domaine de la lutte (le plus riche en théorisation) et Les particules élémentaires (celui qui lui a donné la notoriété) avaient déjà été adaptés au cinéma, sans génie, mais avec une grande honnêteté.
C’est Houellebecq qui a lui-même réalisé l’adaptation de son dernier ouvrage, et qui l’a tourné ; dès lors, que dire ? il n’y a évidemment pas de trahison, il y a, il me semble, un grand constat d’impuissance (qui, lui, est vraiment masochiste) et une sorte de fascination pour un échec inévitable, mais déjà déterminé par les conditions particulières du projet : pour passer, en effet, d’un éditeur à un autre (de Flammarion à Fayard), Houellebecq a, en effet, exigé que le nouvel éditeur finance en grande partie la réalisation du film : il s’obligeait donc ainsi à l’exercice.
Et il était – forcément ! – plus aisé de tourner quelque chose d’hermétique et de creux (la vacuité se justifiant, en apparence, par la perte de sens du monde d’aujourd’hui) que de s’attacher à transcrire en images et en dialogues le malaise houellebecquien (comme pourtant s’y étaient efforcées les deux précédentes adaptations, notamment le film de Philippe Harel).
La possibilité d’une île est bien loin, d’ailleurs, d’être un bon roman, et Houellebecq y dérive largement, dans un amas de foutraqueries raëliennes (bizarre fascination du clonage, d’évolutions scientifiques, un peu comme la fin des Particules élémentaires – le roman -) ; mais il y avait, n’empêche, un paquet d’observations claquantes et douloureuses, notamment sur la littérale disparition, aux yeux de la jeunesse, de ceux qui ont dépassé l’âge prescrit (Au delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable, comme l’écrivait dans un beau roman Romain Gary) : ceci était le meilleur d’un livre trop souvent incertain, et n’apparaît en rien dans le film…
Donc, amis, fuyez La possibilité d’une île qui ne vaut rien, moins que rien ; il y a une dizaine d’images de Lanzarote, et, en additionnant, peut-être une minute, une minute et demie de vues frappantes de cette terre profondément inhospitalière ; c’est tout de même très très peu ; quand je pense que j’ai mis aussi 0/6 à la fois au Petit baigneur, à Out of Africa et à Mon curé chez les nudistes, tous films infiniment moins enquiquinants !