Inclus dans le fascinant coffret qui reprend de très nombreux reportages de Cinq colonnes à la Une, ce moyen métrage d’un peu plus d’une heure reçut, en 1968, l‘Oscar du meilleur documentaire.
Beauté formelle, rigueur, intelligence des situations, absence de tout moralisme niais. Pierre Schœndœrffer, qui était caporal à Diên Biên Phû a été, comme beaucoup de ceux qui y laissèrent bien de leurs illusions, fasciné par l’Indochine, ses pluies chaudes, ses rizières qui ondulent sous le vent, ses collines, ses peuples énigmatiques…
Après la France, les États-Unis se cassent les dents sur ce roc qui a survécu, aussi, à des siècles d’occupation chinoise, conservé sa manière d’être, ses coutumes, son individualité. Là où la France, interloquée, s’appuyait sur ce qu’elle croyait être la Lumière des Droits de l’Homme et tout le saint-frusquin, l’Amérique comptait sur son invraisemblable richesse, sur les déferlements de matériels sophistiqués opposés aux recettes bricoleuses des bo doi, capables de transporter des pièces d’artillerie sur de vieux vélos fatigués.
La section Anderson est un film sec, retenu, lucide. Empathie, certes, avec ces garçons de vingt ans envoyés à des milliers de kilomètres de chez eux livrer une guerre improbable et vaine, tout autant que celle qui est menée aujourd’hui dans les montagnes afghanes, guerre dénuée d’espoir et pleines de pauvres morts inutiles.
On a rarement aussi bien montré ce qu’est une guerre fausse, menée sans vraie conviction, sans vraie volonté. Qu’on le veuille ou non, depuis que nos admirables révolutionnaires de 1791 en ont lancé l’idée messianique, une guerre, pour être réussie, doit tendre vers l’anéantissement de l’adversaire ; c’est Dresde, c’est Hiroshima et Nagasaki, ce n’est pas le massacre de My Lai, coup de folie, tuerie sans rime ni raison. La guerre est une chose horrible, mais sérieuse.
Les pauvres garçons de La section Anderson ne se savent pas encore victimes de l’incapacité de leurs dirigeants à fixer pourquoi ils se battent et jusqu’où ils doivent aller ; jetés absurdement sur d’horribles chemins de mort, ils sourient, plaisantent, triment, marchent, souffrent, meurent sans comprendre et sans protester.
L’authenticité absolue du film de Schœndœrffer, moins désabusé, moins ironique, plus généreux que Full metal jacket, mais sans doute plus lucide encore, et, d’une certaine façon, plus désespéré est une splendide leçon.