Emphatique.
La symphonie fantastique, réalisée par Christian-Jaque à une époque (1942) où le public avait bien besoin d’un peu d’exaltation patriotique auprès d’un des plus grands musiciens français, est malheureusement interprétée par le plus exécrable acteur de cinéma que notre pays ait connu. C’est bien dommage !
L’hystérique Jean-Louis Barrault, malgré les outrances de son jeu de théâtreux, ses yeux qui roulent, ses gestes exagérés, ne parvient pas à complètement gâcher Les enfants du Paradis, parce qu’il est tout de même tenu par le récit de Prévert, la réalisation de Carné et qu’il est entouré d’acteurs qui, de Pierre Brasseur à Marcel Herrand – et une Arletty enchantée, bien sûr ! – sont tous excellents (à la notable exception de la gourde Maria Casares).
Mais lorsqu’il n’y a plus ces ossatures, ces armatures, l’ahuri Barrault livré à lui-même gâche un petit film qui aurait pu être propret et instructif, cela malgré Blier en ami fidèle et Renée Saint-Cyr en amoureuse sensible… (Renée Saint-Cyr, incidemment, c’est la maman de Georges Lautner qui l’a beaucoup employée en vieille dame distinguée ; elle est délicieuse dans Pas de problème, par exemple).
La symphonie fantastique aurait dû être un bon film : d’abord, la vie des grands compositeurs est un riche substrat romanesque, à un point tel que Ken Russel s’y consacra beaucoup un temps, avec au moins un chef-d’œuvre, Music lovers La symphonie pathétique – la vie de Tchaïkovsky -, mais aussi Mahler ou Lisztomania ; et il y a eu aussi des films sur Beethoven (Un grand amour de Beethoven d’Abel Gance), Wagner ou Mozart (Amadeus, évidemment) et j’en oublie sûrement des kyrielles.
Et puis l’époque du développement et du rayonnement du génie de Berlioz, la Restauration, et les débuts de la Monarchie bourgeoise de Louis-Philippe est une des plus mal représentées de l’Histoire de France, alors que c’est celle du bouillonnement artistique le plus irrésistible qui se puisse, le Romantisme.
C’est d’ailleurs un des bons moments du film de Christian-Jaque que la rencontre échevelée de Berlioz et du groupe des Jeune France mené par Victor Hugo (bien interprété par Julien Bertheau), Mérimée, Delacroix, Alexandre Dumas, Théophile Gautier… Une concentration, un assemblement de talents rares…
D’après ce que je lis de la biographie de Berlioz ici et là, le film est assez loin de la fidélité historique (il a, par exemple, plus vite et plus fort connu le grand succès) et le tricotage romanesque de ses amours est largement sollicité ; mais après tout, le cinéma a le droit de broder !
Mais notre septième art n’aurait pas dû, en revanche, employer jamais la face de carême, les mines burlesques, les pleurnicheries exaltées d’un Jean-Louis Barrault qui continua à salir quelquefois les écrans, alors qu’il aurait dû se confiner à ses planches, à l’Odéon ou au Rond-Point (tiens, c’est rigolo, en 1968, alors qu’il ouvrait l’Odéon aux Enragés, il aurait pu leur raconter qu’il avait tourné La symphonie fantastique pour la firme Continental qui, nous rappelle Wikipédia, fut une société de production cinématographique française financée par des capitaux allemands durant l’Occupation, créée par Joseph Goebbels et dirigée par Alfred Greven). Est-ce que cette révélation ne lui aurait pas valu un franc succès parmi ses amis gauchistes ?).
À part ça, la copie du film est assez nette et on n’y entend pas assez de musique… Mais on y voit trop Barrault, vous l’aurez compris…
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