Le titre français qui laisse espérer qu’Archibald de la Cruz a connu une vie criminelle est assez fallacieux ; le titre espagnol original Ensayo de un crimen, c’est-à-dire, Essai, Test ou Répétition d’un crime est beaucoup plus conforme à la réalité de ce film grinçant et jubilatoire.
On sait la fascination de l’Espagne pour la mort (dans quel autre pays Viva la muerte ! pourrait-il être devenu un cri de ralliement ?). Le Mexique est encore plus plongé, s’il est possible, dans cette fascination. Voir, s’il en est besoin, le magnifique Que viva Mexico de Eisenstein.
On connaît la familiarité de ses habitants pour les squelettes, les têtes de mort, les friandises en forme de cercueil et autres joyeusetés : sans doute une sorte de syncrétisme entre le dolorisme ibérique et les vieilles croyances sanguinaires aztèques. Le Mexique est sans doute le seul pays surréaliste du monde, d’où la riche carrière faite Luis Bunuel, pleine de cruautés (Los Olvidados, Nazarin) et de frustrations (Susana la perverse, Tourments, La mort en ce jardin).
La vie criminelle d’Archibald de la Cruz, ricanement cruel, spirituel, cynique, est un jeu brillant, extrêmement bien construit, mais un peu vain, qui met en scène les habituelles obsessions de Bunuel : goût du sang, de l’assassinat, du viol, fétichisme érotique, associant à la jouissance un souvenir obsessionnel. Le hasard qui associe à la ritournelle d’une boîte à musique à la fois l’omnipotence – le droit de vie et de mort – et la jouissance physique guide la vie du jeune Archibald d’une façon telle qu’il va tout le temps essayer de retrouver l’orgasme intellectuel initial.
Mais le hasard est malin, qui l’a dupé d’emblée, et va continuer à le faire sans lui permettre de vraiment réaliser ses pulsions. La mort va certes s’abattre sur toutes les femmes approchées, mais ce n’est pas Archibald (Ernesto Alonso), malgré tous ses efforts, qui la donnera. Au point même qu’il en est réduit, dans une des scènes des plus symboliques du film, à brûler le mannequin de cire de Lavinia (Miroslava Stern), la femme désirée, qui s’est joué de lui, qu’il va retrouver, apparemment libéré de ses obsessions dans la dernière scène. Libéré puisqu’il s’est débarrassé, en la jetant à l’eau de la boîte à musique fatidique. Cela dit, si j’étais à la place de Lavinia, je ne serais pas très à l’aise…