Comment se fait-il que certains films très anciens (je cite au hasard et dans des genres très différents Metropolis – 1927 -, L’Atalante – 1934 -, La belle équipe – 1936 -, Autant en emporte le vent -1939 – demeurent d’une modernité éclatante et que d’autres, bien plus récents, comme L’affaire Thomas Crown –1968 – soient d’une ringardise absolue ? Ce mystère ne vient pas de la dégaine des acteurs, de la forme des automobiles, de la singularité des dialogues et moins encore de la qualité technique des images. Mais plutôt, peut-être d’une volonté de faire moderne, c’est-à-dire de se conformer à ou même de vouloir créer la mode. La mode, c’est ce qui se démode, écrivait Jean Cocteau et Gabrielle Chanel surabondait : La mode se démode, le style, jamais.
Ce doit être ça : le film de Norman Jewison est truffé de tics d’époque qui le rendent ridicule, malgré un scénario de bonne qualité. Pour n’avoir jamais vu L’affaire Thomas Crown, je m’attendais à un récit nerveux, animé, spirituel, interprété par deux acteurs superbes, presque mythiques. J’avais lu aussi que la musique avait été composée par Michel Legrand, dont j’aime à peu près tout. Et la mélodie qu’il a signée, Les moulins de mon cœur, chantée par une multitude d’artistes, dont le compositeur lui-même, était une réussite.
Patatras ! Le film s’ouvre sur cette chanson, en anglais (c’est normal) The Windmills of Your Mind, massacrée par l’interprète originel, l’illustre inconnu Noel Harrison. Faux rythme, voix criarde. Fallait-il que la mélodie fût réussie, pour survivre à ce sabotage ! Le reste de la bande originale n’est pas de la même qualité.
Passons au filmage ; je ne dis pas qu’un emploi raisonné, et de toute façon inédit du split screen n’était pas intéressant dans la perspective du hold-up réalisé par cinq quidams qui ne se connaissent pas et doivent exécuter minutieusement des ordres donnés par un mystérieux commanditaire. Mais on a l’impression que Norman Jewison, qui venait, paraît-il, de découvrir fortuitement cette technique, lors d’une visite à l’Exposition universelle de Montréal, en 1967, a voulu rentabiliser au maximum son investissement. Ce qui lasse et agace assez rapidement.
Je sais que Steve McQueen était passionné de sports mécaniques et n’avait pas de plus grand plaisir que de faire insérer dans les films qu’il tournait, des séquences vrombissantes : on le voit à moto dans l’assez médiocre Grande évasion de John Sturges (1963), dans la cascade automobile de Bullitt de Peter Yates (1968), dans la course en circuit de Le Mans de Lee H. Katzin (1971). Là, c’est un buggy, une sorte de véhicule bizarre, tout terrain qui était à la mode à l’époque mais que je crois aujourd’hui disparu. En tout cas ces acrobaties interminables sur des plages désertes sont d’un ennui total.
Bien sûr, Faye Dunaway est d’une admirable beauté (bien qu’elle soit assez mal coiffée) et le jeu de dupes volontairement consenti avec Steve McQueen offre des moments délicieux. Peut-être un peu lourds lors de la fameuse partie d’échecs bien plombée par les allusions sexuelles un peu trop explicites pour ne pas paraître systématiques et lourdingues (la caresse masturbatoire sur les pièces, notamment la tour).
J’ai trouvé ça plutôt ennuyeux, un peu laborieux. Vous me direz qu’après tout, c’est ce pour quoi est payée Vicki Anderson/Faye Dunaway quand elle engage la poursuite contre le voleur milliardaire Thomas Crown/Steve McQueen : c’est du boulot !