La tragédie d’un homme ridicule.
Je crois bien que Land of plenty est le premier film que j’aie jamais vu de Wim Wenders, cinéaste allemand qui a joui d’une certaine notoriété il y a une trentaine d’années avant de disparaître à peu près complètement de nos écrans radars. Je ne suis pas persuadé, après avoir vu le film, que ce soit une bien grande perte.
Ce n’est pas désagréable, bien loin de là, malgré un certain systématisme dans la mise en scène des personnages, une sorte de présentation en parallèle de l’oncle Paul Jeffries (John Diehl), vétéran du Vietnam obnubilé par les périls qui guettent les États-Unis et de sa nièce Lana (Michelle Williams), fraîche jeune fille évangéliste vouée à toutes les empathies généreuses.
Les attentats du 11 septembre ont passé par là et ont, selon Wenders, mis à jour, ou plutôt permis l’expression affirmée d’une paranoïa sécuritaire aussi dangereuse pour l’exercice des libertés publiques que pour la discrétion des vies privées. C’est un point de vue qui peut se défendre et qui s’exprime mieux encore dans des pays de culture protestante, tout empreints de sens de la responsabilité individuelle qui incite certains à s’estimer investis d’une mission, divine ou civique. Et tout cela s’accorde encore davantage avec le complotisme, si agréable repos de l’esprit lorsqu’on ne parvient plus à saisir – ou même à admettre – l’invraisemblable complexité de la réalité.
Donc, dans un Los Angeles dont ne verra que la face la plus pauvre (ce qui change de manière intéressante avec les éternels périples vers les quartiers opulents) se croisent et finissent par se rencontrer l’oncle misanthrope qui passe ses journées à patrouiller dans tous les coins au volant de sa camionnette truffée de dispositifs de surveillance et d’écoute (Ce rire avait l’air arabe !) et la nièce, qui revient d’une ONG en Palestine et qui est la gentillesse et l’écoute charitable faites femme. Survient un crime affreux sur un des miséreux qui errent dans le quartier. Comme le mort est pakistanais, Paul imagine qu’il y a là sous-jacente une histoire à parfum terroriste, d’autant que le pauvre diable semblait se rendre souvent dans une usine de produits chimiques, potentiels explosifs.
L’un espérant pouvoir démasquer une vaste conspiration, l’autre voulant simplement rendre le corps du pauvre diable à sa famille, l’oncle et la nièce se rendent à 300 kilomètres de L.A., dans une de ces bourgades perdues dans un désert sec et moche (qui m’a fait penser à un décor pour film d’horreur gore du type La colline a des yeux). C’est là que se dénouera l’histoire, que Paul racontera à Lana son trauma initial (au Vietnam) et qu’ils partiront, pour le réconcilier avec le monde, à Ground zéro, sur les ruines des Twins towers, traversant le pays jusqu’à New-York.
Le récit est assez original et les acteurs sont plutôt convaincants, notamment Michelle Williams, au doux sourire frais. Mais je me suis senti bien extérieur à toute la problématique véhiculée par Wenders. La grande habitude de notre vieille Europe d’être secouée périodiquement par la furie guerrière, les invasions et les bombardements y est certainement pour grand chose, hélas…