L’année du dragon

Le lotus étoilé.

Film construit de façon assez baroque, très bariolée, ne reculant pas devant les flamboyances et les excès, mais drôlement haletant et sans longueur, alors qu’il dure deux heures et quart. L’année du dragon a, paraît-il, reçu de vifs reproches de la vertueuse doxa critique, qui l’a jugé affreusement raciste, tout ça parce que le film présente, sous un aspect assez répugnant, les magouilles de la mafia chinoise entre Hong-Kong et New-York.

Tiens donc ! on ne voit pas que la même camarilla sourcilleuse ait jugé que les Italiens étaient stigmatisés par la trilogie du Parrain, les Juifs par Le grand Pardon ou les Slaves par La nuit nous appartient. Filmer la mise en coupe réglée de quartiers entiers par des communautés très organisées et très cruelles apparaît plutôt, il me semble, comme un reportage intéressant sur des pratiques dont la réalité n’est contestée par personne.

Le crime organisé émane de bandits cupides, cruels, supérieurement intelligents et organisés, dont les liens avec l’appareil policier ne sont malheureusement pas une légende. La délinquance asiatique est en général exempte de toute micro-délinquance (celle qui est la plus visible et qui, de l’incivilité à la violence sur les personnes, est la plus exaspérante dans nos sociétés) et se consacre à des choses sérieuses, autrement plus rémunératrices, comme l’importation à grande échelle de quantités invraisemblables de drogues diverses, le proxénétisme et le racket paisible des commerçants qu’elle protège (enfin… paisible jusqu’à ce que quelqu’un rue dans le brancard).

Lanno-del-dragone-streaming-diretto-da-Michael-Cimino-con-Mickey-Rourke-John-Lone-e-Ariane-Koizumi-6-300x200Le personnage de Stanley White (Mickey Rourke) flic exalté, honnête, brutal, maladroit est un peu mal fichu, à mon sens. À moins que ce ne soit le climat tentaculaire de New-York qui ne veuille ça. Exaspération d’un type qui croit à son boulot et qui ne supporte plus les passe-droits et les magouilles de ses supérieurs, pas davantage que l’arrogance des seigneurs de Chinatown.

Stanley White (au patronyme signifiant) est-il raciste ? Oui sans doute, comme beaucoup de monde peut-on dire. En tout cas oui, alors que les bonzes de la Triade menés par l’ambitieux Joey Tai (John Lone) lui prêchent la conciliation : – Depuis des millénaires, les Chinois évitent la police… et qu’il rétorque – On est en Amérique, ce pays a deux cents ans, alors mettez vos pendules à l’heure !. Raciste, sans doute, mais pas davantage que le sont les joueurs dérangés par son intrusion dans leur tripot qui hurlent Dégage, diable blanc ! »…

Tout ça est tourné de façon magnifique par Michael Cimino dans le chatoiement coloré du Nouvel An chinois, dans les recoins de l’immense restaurant qui sera saccagé par de petits voyous avec une sauvagerie (et une puissance de feu) exceptionnelle, dans le hiératisme des enterrements où la teinte du deuil est le blanc, dans les séquences passées sur les canaux de Hong-Kong ou dans les montagnes de Thaïlande, chez les Hmongs cultivateurs du pavot…

26819462_film-stasera-sulle-tv-gratuite-anno-del-dragone-di-michael-cimino-mercoled-23-ottobre-2013-0Quelques scories toutefois : l’étirement de certaines scènes (précisément la fusillade dans le restaurant) ou la singularité larmoyante de certaines autres (la cérémonie des obsèques de Connie (Caroline Kava), la femme assassinée de Stanley). Mais un film qui a du souffle et de la force.

Et des acteurs de qualité. Avant d’être un has been boursouflé, Mickey Rourke était sûrement un des hommes les plus séduisants du monde (voir 9 semaines et demi ou Angel Heart). On regrette bien qu’Ariane, l’actrice asiatique qui est sa partenaire dans L’année du dragon n’ait tourné que ce film-là. Et John Lone a cette distinction cruelle, glaciale qu’on attend d’un ambitieux criminel.

 

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